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Le street art, invité d’honneur de Montréal pour la 6e année consécutive

Le street art, invité d’honneur de Montréal pour la 6e année consécutive

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Par Lise Lanot

Publié le

Depuis 2013, le centre de Montréal se pare de peintures murales créées par une myriade d’artistes internationaux au sein d’un festival coloré et éclectique.

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En 2013, le quatuor de l’agence Landmark (composé d’André Bathalon, Yan Cordeau, Alexis Froissart et Nicolas Munn Rico) revient de Wynwood Walls, un district industriel de Miami transformé en ode au street art où plus de 7 000 mètres carrés de murs sont habillés, et s’interroge : pourquoi ne pas monter un projet similaire à Montréal ?

C’est ainsi que naît Mural, un festival annuel prenant une place de plus en plus conséquente sur la scène street art internationale. Chaque mois de juin depuis 2013, une vingtaine d’artistes est invitée à personnaliser un mur au centre de la métropole québécoise. Le terrain de jeu s’étend autour d’une portion du boulevard Saint-Laurent, une des artères principales de la ville, strictement piétonne à ce moment-là.

Vingt nouvelles fresques voient le jour à chaque édition : les artistes s’attellent à la tâche sous les yeux des passants, qui s’arrêtent volontiers pour admirer l’avancée des créations. Celles-ci raviront les Montréalais au moins jusqu’à la prochaine occurrence du festival, s’ajoutant aux 60 œuvres encore visibles produites lors des éditions précédentes (certaines peintures sont recouvertes par de nouvelles œuvres afin d’assurer un roulement des réalisations).

Les fresques diffèrent par leur style artistique et leur teneur (politique, sociale, culturelle, esthétique, etc.), mais aussi par les techniques (bombes, pinceaux, brosses) et les supports utilisés. Les imposants murs de briques rouge ou de béton peuvent accueillir des illustrations allant jusqu’à une quarantaine de mètres de haut (à l’instar de l’impressionnant portrait de Leonard Cohen par Kevin Ledo), qu’elles soient colorées ou en noir et blanc, carrément abstraites ou réalistes au point qu’on croirait qu’une photographie y est projetée.

Si le festival Mural nous incite à lever le nez à la recherche de ces pièces uniques, il convie aussi quelques artistes à habiller les parterres des routes et à décorer des bus réservés pour l’occasion ou des panneaux disposés au coin des rues. La recherche de ces travaux s’apparente à une chasse aux trésors dans les ruelles et boulevards du quartier. Les muralistes jouent avec l’environnement qui leur est offert, profitant d’une fenêtre pour créer un trompe-l’œil autour de celle-ci ou d’un arbre qui devient partie intégrante de la pièce.

Un événement au rayonnement international

Chaque année, les muralistes invités sont composés d’une moitié de Canadiens et d’une moitié d’internationaux. En 2018, ces derniers sont majoritairement originaires des États-Unis et du Mexique, à l’exemple de Poni, Smithe ou Saner pour le Mexique et Tristan Eaton, Michael Reeder ou encore Cryptik pour les États-Unis. Kate Raudenbush, artiste pluridisciplinaire de New York que les fondateurs ont rencontrée au festival Burning Man, est à l’origine d’une installation lumineuse au centre du parc du Portugal, la “Forêt enchantée” de Mural.

Du côté des Européens, on retrouve entre autres l’artiste espagnol Ricardo Cavolo. Ses créations empreintes de symbolisme et d’iconographies liées à la religion ou au monde du tatouage sont mises à l’honneur à la galerie Station 16. Chez les Canadiens, Sandra Chevrier, WhatIsAdam, Stare et Cyrielle Tremblay sont au rendez-vous.

Depuis sa création en 2013, le festival ne cesse de prendre de l’ampleur, autant au niveau des invités que des spectateurs. Si pour sa première édition, 400 000 visiteurs uniques s’étaient déplacés, c’est plus de 1,5 million de personnes qui sont tombées sous le charme de Mural en 2017.

En plus des installations visuelles, les onze jours du festival sont rythmés par des visites guidées, des expositions, des rencontres, des événements culinaires ou liés à la mode ainsi que des concerts (Playboi Carti, Pusha T et Vic Mensa ont ouvert les festivités de cette année).

L’institutionnalisation d’un art underground ?

En marge de ce succès, certains se désolent de voir un art supposé être l’apanage d’un réseau rebelle qui évolue en sous-marin, sans compter sur les critiques ou le marché de l’art, devenir une discipline institutionnalisée. En effet, on est bien loin de l’image du graffeur prêt à détaler au son d’une sirène de police. Ici, les muralistes sont défrayés et payés. Les propriétaires des habitations signent un contrat d’un an pour l’utilisation de leur mur et ont leur mot à dire sur le choix de l’artiste qui l’habillera.

De plus, l’événement est financé par la ville de Montréal, le gouvernement provincial mais aussi des entreprises privées. Ces entreprises sont d’ailleurs parfois commanditaires de peintures murales, allant un peu à l’encontre de la qualité originellement subversive de l’art de rue. Pour Radio Canada, un des cofondateurs, André Bathalon, insiste : “L’artiste a carte blanche pour créer ce qu’il veut, et c’est très important pour nous. C’est quelque chose que nous allons toujours défendre.”

Lors des visites guidées, la guide souligne l’immensité du monde de l’art de la rue : des pièces très abouties au lettrage d’apparence plus simple, ils devraient tous avoir leur place sur les murs. Certains muralistes invités laissent d’ailleurs parfois des bandes vierges autour de leur travail pour permettre à des artistes anonymes de poser leur trace sur les murs. Ainsi, ce musée à ciel ouvert peut devenir un espace de collaboration artistique.

 

Festival Mural à Montréal, du 7 au 17 juin 2018.