Pourquoi le cadre imposé en équipe de France de football pour le Ramadan pose problème ?

Pourquoi le cadre imposé en équipe de France de football pour le Ramadan pose problème ?

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© Matthieu Mirville / Matthieu Mirville / DPPI via AFP

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Par Abdallah Soidri

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Le président de la FFF a rappelé dans une interview au Figaro le "cadre de neutralité" en sélection pendant le Ramadan. Mais est-ce vraiment nécessaire ?

Cette année encore, la trêve internationale en football coïncide avec le mois de Ramadan. Cette année encore, la question du jeûne chez les joueurs musulmans en équipe de France est source de débats. Alors que les différentes sélections masculines sont sur le pont, Philippe Diallo, le président de la Fédération française de football (FFF), a rappelé ce mercredi dans un entretien au Figaro “le cadre de neutralité” pour que les “sélections fonctionnent correctement”. Comprendre : pas de pratique du jeûne du mois de Ramadan quand on est avec les Bleus.

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Que disent les textes ?

Pour justifier sa position et celle de la FFF, le successeur de Noël le Graet à la tête de l’instance assure “veille[r] au respect du principe de neutralité, c’est-à-dire de faire en sorte que la religion n’interfère pas sur le sportif”, conformément à l’article 1 de la Fédération. Mais que dit-il ? On est allé voir et celui-ci, qui s’appuie sur la règle 50 de la Charte olympique (on y reviendra plus tard), interdit “tout discours ou affichage à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical ; tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ; tout acte de prosélytisme ou manœuvre de propagande ; toute forme d’incivilité”.

La règle 50 de la Charte olympique stipule quant à elle qu’“aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique”. Revenons au mois de Ramadan et sa caractéristique principale, le fait de se priver de boire et de manger du lever au coucher du soleil, que la FFF veut cadrer en sélection. À la lecture des textes avancés par Philippe Diallo, on voit mal comment jeûner relève de la “démonstration religieuse” ou du “discours religieux”. À moins que le bruit d’un ventre vide soit si fort qu’il empêcherait, par exemple, Didier Deschamps et son staff de faire entendre leurs consignes lors d’une séance d’entraînement.

On peut être performant le ventre vide

Rappelons que les personnes visées par cette mesure, les joueurs musulmans, sont des sportifs de haut niveau et en tant que tel, ils ont une connaissance parfaite de leur corps, leur outil de travail. Ils ont les plus à même de juger si la pratique du jeûne est incompatible avec les cadences du football professionnel, et pas seulement lors des fenêtres internationales, quand bien même Philippe Diallo avance l’argument des “autorités religieuses” pour justifier qu’“en sélection nationale et en compétition, il est possible de décaler [sa] pratique”.

Dans le football, il existe une pléthore d’exemples de joueurs alliant jeûne et performance. On pense à N’Golo Kanté et Karim Benzema côté français, mais aussi à ceux évoluant en Angleterre. De l’autre côté de la Manche, des pauses dans le jeu ont été mises en place l’an dernier et le syndicat des joueurs (PFA) organise des ateliers de sensibilisation “pour améliorer les conditions de travail des joueurs musulmans avant et pendant le mois de Ramadan”, lit-on sur le site de la Fifpro.

Dans d’autres disciplines, on voit aussi des athlètes pratiquer le jeûne à haut niveau. Dernièrement, le basketteur Kyrie Irving s’est illustré en disputant en moyenne plus de 35 minutes de jeu par match depuis le début du mois de Ramadan. Sur la période, le joueur des Dallas Mavericks affiche 25 points de moyenne et a été l’auteur de quelques performances majuscules, dont un tir de la gagne au buzzer contre les Denver Nuggets, champions NBA en titre. Comme quoi, il ne suffit pas que d’en avoir dans le ventre.