AccueilArchive

De la street au feed : le Diamantaire, l’artiste qui pare Paris de ses plus beaux joyaux

De la street au feed : le Diamantaire, l’artiste qui pare Paris de ses plus beaux joyaux

avatar

Par Konbini

Publié le

Transformer des déchets en bijoux, c’est la mission du street artist parisien le Diamantaire qui fabrique ses œuvres à partir de miroirs trouvés dans les rues.

À voir aussi sur Konbini

Si vous vous intéressez à la scène du street art parisienne, vous avez probablement déjà vu ces diamants envahir les rues. Taillés dans des miroirs et peints au pochoir, ces joyaux sont réalisés par un artiste qui a habilement décidé de se faire appeler le Diamantaire.

Après avoir marqué les rues parisiennes et s’être étendu à l’international, le Diamantaire a décidé de produire des pièces plus conséquentes en atelier. Nous avons échangé avec lui pour comprendre ce tournant, et en savoir plus sur son quotidien un peu plus éloigné de l’asphalte des rues parisiennes, son parcours et ses inspirations.

Cheese | Qui es-tu ? Peux-tu te présenter ?

Mon nom d’artiste est “Le Diamantaire”. J’ai 31 ans, je vis à Paris. On me connaît car je colle des diamants en miroir dans la rue depuis 2011 et je réalise des sculptures en acier et miroir depuis 2014.

Comment est-ce que tu as commencé à créer ? Quel est ton parcours ?

J’ai découvert le graffiti au début des années 2000 à travers un magazine de roller street. Je suis originaire de Normandie et la pratique du graffiti n’était pas très présente là-bas à cette époque. Cette découverte a totalement changé ma vie ! Ça a été une ouverture d’esprit totale : j’ai commencé à gribouiller quelques trucs, acheter de la peinture et trouver des acolytes pour aller peindre.

Cette période à durée environ 4 ou 5 ans et au bout d’un moment, je me suis aperçu que, malgré mes efforts, le dessin n’était vraiment pas fait pour moi. Ce qui me dérangeait aussi, c’est que le graffiti s’adresse seulement aux mecs du graffiti, j’avais plus envie de créer un projet universel à montrer aux yeux de tous que simplement des hiéroglyphes. C’est comme ça que le projet autour des diamants a mûri au fil des années.

En parallèle de tout ça, j’étais en formation pour devenir métallier-chaudronnier, mais après un BEP et un bac pro, je me suis lancé dans l’aventure de la communication visuelle en intégrant un BTS. Je pense que c’est comme ça que le diamant est né, le mélange du logo avec la matière qui croise la pratique du graffiti.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’exprimer dans la rue ?

La sensation de liberté et d’exister à travers un projet. Laisser sa trace quelque part et se sentir vivant. Donner aux autres sans attendre quelque chose en retour. Faire don d’un projet, d’un point de vue, d’un savoir-faire, d’une idée. Lorsque j’ai commencé le projet des diamants, le plus dur a été de se dire qu’il était assez intéressant pour le montrer aux yeux de tous.

Tu as beaucoup travaillé dans la rue, à présent tu produis surtout en atelier, qu’est-ce que ça a changé chez toi ?

J’ai compris que je pouvais faire de ma passion mon travail et expérimenter plus de choses. Lorsque j’ai commencé à intervenir dans la rue, je ne pensais pas que je pourrais un jour gagner ma vie à travers le graffiti. Puis quelques ventes se sont faites et j’ai pu acquérir mon premier atelier. C’est là que tout a commencé.

Et puis l’atelier est d’abord une question de sens : l’odeur de l’acier, de la graisse, de la poussière. Le bruit des outils qui résonnent, le toucher de l’acier, du verre, du miroir et des machines qui permettent une infinité de productions artistiques. L’atelier est un espace où le savoir-faire de l’artisan rencontre l’œuvre imaginée par l’artiste. C’est un lieu de liberté à la fois inquiétant et exaltant où seul l’esprit fait barrage à la création.

Pourquoi le diamant ?

Depuis mes tout premiers graffitis, j’étais à la recherche de symétrie, d’un logo, d’un signe qui ferait ma marque : j’avais remarqué que ça marquait plus les gens que le lettrage. En 2011, je dessinais une planche de pictos et j’avais déjà dessiné une première esquisse de diamant.

Bien sûr, je n’ai rien inventé, mais il est sorti de ma tête tout seul. Il m’a intrigué et j’avais envie de créer avec lui. Quelques jours plus tard, j’ai trouvé un miroir dans la rue, j’ai acheté un coupe-verre et j’ai appliqué ce dessin sur le miroir découpé. Le projet diamant est né. J’ai trouvé ça cool, mais je ne savais pas quoi en faire.

Ça faisait quelque temps que j’avais arrêté d’intervenir dans la rue, j’ai pensé que coller ce joyau dans l’espace public faisait sens. Faire don d’un joyau à tous à partir d’un rebut. J’ai donc récupéré d’autres miroirs et produit plus de diamants. En 6 mois, j’en avais collé cent à Paris et les retours étaient bons. Je n’ai donc jamais arrêté. Je suis toujours à la recherche de miroirs, que ça soit pour les diamants de rue ou bien mes sculptures.

Pourquoi avoir voulu se tourner vers des matériaux nobles comme le métal et le miroir ?

L’acier a été mon premier métier, il était plus facile pour moi de mettre en place mes idées à travers cette matière et ces savoir-faire que je connaissais bien. J’ai également eu la chance de rencontrer un mécène qui a mis à ma disposition un atelier de métallerie.

Le miroir, ça a été également une révélation. Je travaille surtout de façon inconsciente, et je me suis rendu compte que le miroir m’a toujours fasciné. Je me suis donc entraîné à couper mes premiers miroirs et ensuite à les façonner à ma convenance.

Tu travailles aujourd’hui sur des pièces beaucoup plus ambitieuses, est-ce que tu continues en parallèle à faire des miroirs petit format ?

Je continue toujours à coller des diamants dans la rue. Aujourd’hui, j’ai collé environ 1 800 diamants à travers le monde (New York, Miami, Los Angeles, Denver, Tokyo, Osaka, Montréal, Guadeloupe, Zurich, Barcelone, Londres… et partout en France). Il est vrai qu’en ce moment je me concentre plus sur mon travail d’atelier. En revanche, c’est toujours un vrai plaisir de descendre dans la rue pour ressentir ces sensations malgré les années qui passent.

J’ai d’ailleurs toujours une cinquantaine de diamants de rue d’avance au cas où. Malheureusement, à Paris, c’est un vrai carnage, beaucoup de pièces sont volées et c’est devenu décourageant de coller. C’est un geste tellement égoïste de prendre une pièce dans la rue alors qu’elle appartient à tous. Si la personne veut vraiment une pièce de l’artiste, je pense qu’elle peut acheter une de ses œuvres et par la même occasion soutenir sa création et sa pérennité.

Quelles sont tes inspirations ?

Le milieu du graffiti a longtemps été ma source d’inspiration ; aujourd’hui, je collecte mes idées au fil de mes journées. Ça peut être un éclat de verre, une forme, une lampe… tout est source d’inspiration. Pour moi, la créativité est comme un puzzle : on accumule plein de choses qui nous font vibrer et un jour nous arrivons à les mettre en place pour former une image, un objet.

Tu es présent sur Instagram, penses-tu que le street art est aujourd’hui autant en ligne que dans la rue ?

Je pense qu’il est même plus en ligne que dans la rue malheureusement. Le street art est devenu un vrai courant artistique mais aussi une vraie mode et certains surfent sur cette vague alors que l’on n’a presque rien vu d’eux dans la rue. Tout est devenu street art aujourd’hui. Je pense qu’il faudrait remettre en place les codes et comprendre que le street art est seulement dans la rue. Mes diamants de rue sont du street art mais mes sculptures n’en sont pas. Il faut connaître les bases du graffiti pour comprendre ce mouvement. Le street art n’existerait pas sans le graffiti.

Est-ce que tu souhaites faire passer un message en particulier à travers tes œuvres ?

Avec ce projet, j’ai un certain engagement écologique. Mes sculptures sont faites à 80 % de miroirs que je trouve dans la rue et mes diamants de rue à 100 %. L’idée est qu’il est possible de donner une seconde chance aux objets et que même avec des rebuts, nous pouvons créer des diamants. Il faut savoir transformer pour créer.

Quels sont tes projets pour la suite ?

J’ai une exposition à la Chapelle expiatoire à Paris le 4 octobre à l’occasion de la Nuit Blanche. L’idée de cet événement est de jouer avec l’architecture du lieu et surtout les reflets. J’ai des œuvres qui viennent d’être accrochées à la galerie Station 16 à Denver dans le Colorado. J’ai également une exposition collective au château de Saint-Maur près de Saint-Tropez qui va bientôt se terminer. Enfin, une exposition courant mai 2019 à la galerie Trace à Zurich.

Vous pouvez suivre le travail du Diamantaire sur son compte Instagram.