Rich Kids of Tehran, le compte Instagram de la jeunesse dorée iranienne

Rich Kids of Tehran, le compte Instagram de la jeunesse dorée iranienne

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Par Konbini

Publié le

Instagram peut présenter des vies magnifiées voire mensongères, mais aussi révéler des facettes inconnues de ce que l’on croit connaître. Rich Kids Of Tehran affirme exposer une réalité ignorée du quotidien de la jeunesse dorée iranienne.

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Tenues de créateurs, flâneries et #BambiPose autour de la piscine, folles soirées et virées en voitures de luxe : ce ne sont probablement pas les premières images qui viennent en tête lorsque l’on parle de la République islamique d’Iran et de sa jeunesse.

Pourtant, c’est ce que montre le compte Instagram Rich Kids Of Tehran. “Les jeunes riches de Téhéran”, en version française, suit la lignée de ces flopées de comptes dédiés aux rich kids de Londres, Dubaï, Tunis ou Hong Kong, qui documentent la jeunesse dorée d’une ville donnée. Si nous sommes assez habitués à l’opulence de certains adolescents et jeunes adultes des capitales américaines, européennes et des Émirats arabes unis, ce qui est présenté comme “la réalité de l’Iran” par ceux qui tiennent le compte, est un peu plus surprenant.

Chute du Chah et révolution islamique

Après la chute du Chah en 1979, l’Iran se trouve à la croisée des chemins quant à son avenir. Plusieurs groupes révolutionnaires ont mené la lutte et les Iraniens placent beaucoup d’espoir dans le futur du pays, après la destitution de Mohammad Reza Pahlavi. Au milieu des anarchistes, communistes, laïcs et religieux, c’est l’ayatollah Rouhollah Khomeiny qui prend la tête de la nation. Il devient “chef spirituel suprême” et instaure la République islamique au mois de mars de la même année.

Bien que Rouhollah Khomeiny soit aujourd’hui décédé, l’idée que le pouvoir religieux domine l’ensemble des institutions est toujours d’actualité aujourd’hui. De nombreuses obligations pèsent sur les Iraniens. Toutes les femmes sont obligées de porter le voile à l’intérieur du territoire et l’organisation non gouvernementale Amnesty International rapporte qu’en 2016-2017 :

“Les autorités ont imposé des restrictions sévères à la liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique et de conviction religieuse. Des détracteurs pacifiques du gouvernement, entre autres, ont été arrêtés et emprisonnés à l’issue de procès iniques devant des tribunaux révolutionnaires. Le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements infligés aux détenus est resté répandu, en toute impunité. Des peines de flagellation et d’amputation, entre autres châtiments cruels, ont continué d’être appliquées.

Les membres des minorités religieuses et ethniques étaient en butte à la discrimination et à des persécutions. Les femmes et les filles étaient victimes de violence généralisée et de discrimination. La peine de mort a été largement appliquée ; des centaines d’exécutions ont eu lieu, dans certains cas en public. Au moins deux mineurs délinquants ont été exécutés.”

Un compte qui offre un nouveau regard ou pousse à l’entre-soi ?

Le mode de vie fastueux et les manières de cette partie de la jeunesse iranienne étonnent. D’une part, parce qu’ils semblent aux antipodes de ce que le gouvernement impose à ses citoyens et de ce que la presse internationale relaie sur le pays et, d’autre part, parce qu’ils ne semblent pas correspondre à ses valeurs. Une jeune Iranienne expliquait au site américain Vice que “dans la culture traditionnelle iranienne, on n’est pas censé exposer ses possessions, pour ne pas heurter les plus pauvres”.

L’actuel guide suprême de la révolution islamique, Ali Khamenei, a dénoncé une “génération intoxiquée par son argent” qui conduit “des voitures de luxe et parade dans les rues”, après que des voitures de sport conduites par des rich kids ont causé la mort de cinq personnes. Cependant, le compte est toujours actif, seulement protégé par un VPN, un système de protection de données, par la géolocalisation, appliqué sur de nombreux sites Web en Iran.

Vice est entré en contact avec un des détenteurs de Rich Kids of Tehran (RKOT) et plusieurs abonnés du compte. Selon l’administrateur, l’objectif est d’abord de montrer une autre facette de l’Iran au monde : “Ces huit dernières années, 98 % des actualités iraniennes ont traité de politique, de sanctions et du nucléaire. Les médias occidentaux utilisent ces sujets afin de créer une image de l’Iran qui profite à leurs intérêts politiques.” RKOT permettrait selon eux de renvoyer une autre image, venant de l’intérieur.

Cependant, d’après un connaisseur du compte, “80 % des jeunes qui apparaissent en photo sont les enfants de l’élite dirigeante du pays”. Ces jeunes qui exposent une richesse infinie seraient donc la progéniture de cette “classe politique qui prône un comportement modeste et de la retenue”. Des données difficiles à avaler quand une autre partie de la population vit avec peu de moyens ou souffre des répressions du régime.