AccueilPop culture

À travers la photographie, ce fils d’immigrés pakistanais questionne la notion d’appartenance à un pays

À travers la photographie, ce fils d’immigrés pakistanais questionne la notion d’appartenance à un pays

avatar

Par Hélaine Lefrançois

Publié le

Mahtab Hussain est retourné dans le village où sa mère a grandi, au Cachemire, et a immortalisé la vie qu’il aurait pu avoir si ses parents n’avaient jamais émigré au Royaume-Uni. 

À voir aussi sur Konbini

Mahtab Hussain aurait pu naître et grandir au Cachemire. Il aurait pu parler urdu et hériter de la ferme de ses grands-parents maternels. Cette vie-là, le photographe britannique d’origine pakistanaise l’a seulement imaginée, car ses parents font partie des nombreux Sud-Asiatiques qui ont émigré au Royaume-Uni dans les années 1970, à une époque où le pays accueillait la main-d’œuvre bon marché à bras ouverts.

Sa série Going Back Home To Where I Come From (“Retourner chez soi là d’où je viens”) dépeint le quotidien du village où sa mère a grandi et laisse entrevoir “la vie qu’[il aurait] pu avoir”. Ses photos, rassemblées dans un très bel ouvrage et actuellement exposées à la New Art Gallery Walsall, en Angleterre, interroge en filigrane la notion d’appartenance à un pays : lorsque l’on est fils d’immigrés, que l’on est partagés entre deux cultures, où est-on chez soi ?

Le titre de la série fait également écho aux insultes racistes que Mahtab Hussain (et tous les enfants issus de l’immigration) essuie depuis son plus jeune âge. L’artiste est né et a grandi dans un quartier mixte de Glasgow. Après le divorce de ses parents, du haut de ses 7 ans, il part vivre avec son père dans une banlieue ouvrière, pauvre et blanche de Birmingham.

Les “go home” (“rentre chez toi”) et les “paki” (terme péjoratif pour désigner les Britanniques d’origine pakistanaise) deviennent habituels, dans la cour de l’école, dans la rue, au supermarché. “À partir de ce moment-là, je me suis posé des questions sur mon identité. Je détestais ma couleur de peau et je rejetais la culture pakistanaise, car c’est elle qui était à l’origine de mes difficultés à me sentir chez moi, dans un pays que j’avais toujours considéré comme ma maison”, explique le photographe à Cheese.

C’est à l’université que Mahtab Hussain commence à embrasser ses deux cultures et à explorer les questions de racines, d’identité et d’appartenance à travers l’art, et plus particulièrement la photographie. Dans le cadre de son premier projet, You Get Me?, amorcé en 2008, il tire le portrait de jeunes britanniques d’origine asiatique, issus des quartiers ouvriers, qui, comme lui, tentent de trouver leur place dans une société multiculturelle où les discriminations persistent. 

En 2013, Mahtab Hussain se rend pour la première fois au Pakistan, à Karachi, où il participe à un programme d’échange d’une dizaine de jours organisé par le British Council (équivalent britannique de l’Alliance française). Trois ans plus tard, il s’envole à nouveau pour le pays d’origine de ses parents et découvre le village de sa mère. “C’était merveilleux de voir ces endroits qu’elle décrivait toujours avec beaucoup de tendresse : la rivière où elle se baignait, le champ de maïs qu’elle traversait…”, se souvient l’artiste, avant d’ajouter : “Je me suis senti à ma place.”

Ces photos – des portraits, des scènes de vie, des paysages –, souvent baignées de lumière, donnent à voir une vie modeste et douce, loin de la grisaille et la logique capitaliste des pays occidentaux. Loin aussi des récits de guerre, de pauvreté et de misère sociale que les médias relaient. Pour autant, Mahtab Hussain n’est pas nostalgique de cette vie qu’il n’a jamais connue et ne regrette pas d’avoir grandi au Royaume-Uni. À la question “où est-on chez soi ?”, l’artiste répond : “Ce n’est pas un endroit physique, une origine ethnique, un territoire défini par des frontières : c’est là où l’on choisit d’être.”

Retrouvez le travail de l’artiste sur son site et sur Instagram.