Rencontre : tout en douceur, Chill rend hommage aux corps féminins

Rencontre : tout en douceur, Chill rend hommage aux corps féminins

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Par Lisa Miquet

Publié le

Avec naturel et sensibilité, Chill immortalise le corps des femmes.

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À travers son objectif, Chill tente de recréer l’atmosphère éthérée des dimanches matins. Mettant en scène des situations candides et intimes, il s’est lancé dans l’exercice périlleux de la photographie érotique. Préférant les girls next door aux mannequins des podiums, il photographie le corps de femmes avec délicatesse. Nous avons échangé avec le photographe pour mieux comprendre son travail et ses inspirations.

Cheese : Comment as-tu rencontré le medium photographique ?

Chill : J’ai commencé à faire de la photo totalement par hasard, je venais de terminer mes études en informatique. J’ai eu envie, par simple curiosité, de m’acheter un appareil photo numérique tout bête, et de m’amuser un peu avec. Ça m’a beaucoup plu tout de suite. Et puis j’ai commencé à faire des choses dans mon coin, totalement en autodidacte. Petit à petit, je suis devenu le mec qui faisait des photos à toutes les soirées, celui qui immortalise les petits moments, et au fur et à mesure des rencontres, je me suis tourné vers quelque chose de plus féminin, de plus posé et de plus glamour.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans la photo érotique ?

C’est quelque chose qui est venu très naturellement. Une des premières choses qui m’a plu dans la photo, pas nécessairement dans l’érotique, c’est la recherche du détail. Ce que les gens ne remarqueraient pas forcément, mais que le photographe peut capter. J’ai tenté de transposer ça sur le corps humain. J’ai une amie proche qui s’est laissée prendre au jeu de la photo, qui est devenue ma modèle principale quand j’ai voulu axer mon travail sur les personnes et le corps. Je me suis beaucoup exercé avec elle, pour comprendre comment capter les détails du corps, les différentes poses, le cadre, afin que ça reste naturel et spontané. J’essaie d’avoir une photo vivante et douce.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce rapport à l’intime ?

Il y a plusieurs choses, à l’instant t où je prends la photo, tout s’accorde : la lumière, le cadrage, la pose, l’attitude de la modèle. C’est vraiment une recherche esthétique. Mes photos sont calmes, posées, naturelles. J’aime retranscrire cette image du dimanche matin à la maison, sans artifices. J’aime aussi réaliser des images très graphiques et intemporelles, du coup le nu se prête plutôt bien à ça. On parle de lignes, de corps, de couleurs…

© Chill Photographie

Pour des dimanches matins, ils sont quand même très glamours ! On est loin du dimanche matin de la vraie vie, non ?

Bien sûr, quand je dis “dimanche matin”, c’est pour souligner le côté sans artifice de mon travail. Mais oui, c’est vrai que je tente de les mettre en valeur, il y a un travail d’observation. Par exemple, je vais essayer de photographier le moment où les modèles sont le plus naturelles et spontanées.

Comment est-ce que tu fais pour rester dans la sensualité sans jamais tomber dans la vulgarité ?

Alors ça je n’en sais rien… [rire]. Je fais les photos comme je le sens ! La vulgarité est compliquée à définir : une photo qui ne montre rien peut être très vulgaire, alors qu’une autre image plus explicite ne le sera pas forcément. De mon côté, j’essaie juste de mettre en avant quelque chose de beau, je ne photographie pas des corps nus pour photographier des corps nus, ce n’est pas du tout ma démarche.

Comment ça se passe une séance photo avec toi ?

Une personne qui aime mon travail et qui veut des photos me contacte, je lui réponds. On se rencontre dans un endroit neutre, un café ou un bar, pour faire connaissance, pour parler plus facilement que par messages interposés. On discute de notre vision de la photographie, ce qui me motive, ce qui la motive… On parle de tout et de rien, par exemple nos goûts cinéma, musicaux. Si je n’ai pas trop fait peur à la personne que j’ai rencontrée [rires], on cale une date pour une séance photo. On se retrouve un matin dans un appartement, on prend un petit-déj tranquille et puis on commence à faire des images. À la cool, sans pression, l’appareil est là, on continue à discuter et à certains moments on fige la scène pour capturer quelque chose que je trouve beau et qui met en valeur la personne. Au fur et à mesure de la journée, on est habitués l’un à l’autre, ça devient de plus en plus naturel, mais il faut un vrai temps d’adaptation. Je travaille aussi surtout avec des modèles qui n’ont jamais ou peu posé, donc il faut qu’on trouve tous les deux nos marques.

Comment choisis-tu tes modèles ?

Depuis que je fais de la photo, je n’ai jamais contacté une seule personne pour en faire. Ça a toujours été les modèles qui m’ont contacté, qui sont tombées sur mon portfolio et qui étaient intéressées par l’approche que j’ai de la photo. Je n’ai pas de critères de sélection, je réponds innocemment aux personnes qui me contactent. Ce n’est vraiment pas prise de tête !

Quels sont les profils des femmes qui te sollicitent ? Quand on observe ton travail, on remarque que ce sont souvent des jeunes femmes blanches et minces, y a-t-il de la diversité dans les demandes que tu reçois ?

C’est simple, je réponds à toutes les demandes que je reçois. J’ai collaboré avec une modèle plus ronde il y a quelques années, c’était super ! Mais c’est vrai que c’est plus rare. J’aimerais bien pouvoir aller solliciter des modèles pour avoir différentes sortes de physiques, mais depuis que je fais de la photo, je n’ai jamais arrêté quelqu’un dans la rue pour lui dire : “Votre profil me plaît, je suis photographe, etc.” Étant un mec qui fait des photos érotiques, ça passe tout de suite pour un gros plan drague. C’est un cliché qui colle aux baskets des mecs, mais quand j’entends les histoires de certaines modèles, je comprends…

Tu sens que le cliché du mec creepy qui fait de la photo érotique est tenace ?

Oui, aujourd’hui beaucoup de monde fait de la photo, c’est à la portée de tous. N’importe qui peut acheter un appareil photo et décider qu’il est photographe. Le problème c’est qu’il y a beaucoup de portfolios où on voit clairement que la femme est érotisée ou sursexualisée. Personnellement, ça me met plutôt mal à l’aise et ce n’est pas ce que je recherche. Il y a beaucoup de photographes qui se comportent mal et ont abusé de leur modèle, c’est terrible. D’ailleurs, tu verrais le sourire sur la bouche de certains mecs quand ils apprennent que je fais des photos de filles nues, ils imaginent forcément que je fais des photos de cul, alors que pas du tout. Une amie m’a dit un jour quelque chose d’assez juste : “Quand une personne te contacte, elle choisit de te rencontrer et de poser pour toi, alors que quand c’est toi qui fais le premier pas dans la rue, c’est toi qui choisis la personne, du coup la démarche n’est pas la même”, c’est pour ça que je fais uniquement des images avec des personnes qui me sollicitent.

Photographies-tu des hommes aussi ?

Ça m’est arrivé mais de façon vraiment très rare ; ça s’était bien passé. Mon souci, c’est qu’à force de ne pas en faire, j’ai l’impression de ne pas assez maîtriser le sujet. Mais c’est quelque chose qui m’intéresse, je suis curieux de savoir comment j’arriverais à créer des images belles et naturelles avec un corps masculin. Malheureusement, il y a peu de mecs qui me contactent, j’ai dû en avoir un ou deux mais c’était des gars qui avaient des books, et qui étaient bodybuildés et posaient en boxer Calvin Klein. On est sur quelque chose de plus surfait, alors que je privilégie les personnes naturelles, qui ne font pas nécessairement de photo. Je préfère immortaliser le mec ou la fille d’à côté.

Pourquoi les hommes te contactent moins à ton avis ?

Je ne sais pas, peut-être qu’on sexualise tout. Pour la société, un mec qui prend en photo des filles, c’est normal, mais un mec qui photographie des mecs, il y a forcément un relent d’homosexualité derrière. Moi je n’ai pas de problème avec moi, donc je n’ai pas de problème avec les autres [rire].

Est-ce que ton travail photographique a changé le regard que tu peux avoir sur le corps féminin ?

Difficile de répondre à cette question… Non, je n’ai pas l’impression que mon regard a changé, pour moi chaque personne, chaque corps est différent. Chaque séance est nouvelle, je repars de zéro. Plus que transformé, je dirai que mon regard s’est développé.

Vous pouvez retrouver le travail de Chill Photographie sur son site personnel, son compte Instagram ou encore son compte Twitter.