Arrêté pour avoir pris en photo un policier en 2011, le photojournaliste Mannie Garcia vient de gagner son procès

Arrêté pour avoir pris en photo un policier en 2011, le photojournaliste Mannie Garcia vient de gagner son procès

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Le bras de fer entre la justice américaine et Mannie Garcia vient de prendre fin : il a été dédommagé de 45 000 $ et tous les faits ont été reconnus.

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Vous ne connaissez peut-être pas son nom ou son visage, mais vous connaissez sa photo la plus célèbre d’Obama (ci-dessus) : celle qui a donné ensuite le poster “Hope”, a été reprise par l’artiste Shepard Fairey (sans le créditer) et a marqué toute la campagne d’Obama. La photo initiale montre Barack Obama à une conférence du National Press Club organisée pour la crise du Darfour, en 2006. On a découvert par la suite que ce portrait était signé Mannie Garcia, un photojournaliste qui travaillait déjà pour des journaux comme le Time, The Washington Post et des agences de presse telles que l’Associated Press.

En 1989, Mannie Garcia a remporté le prix World Press Photo pour ses clichés de l’accident de Ramstein (en Allemagne), où il a échappé de peu à la mort : une aile d’avion a failli le percuter à la tête et son appareil photo a pris un coup de shrapnel. Après ce désastre, il s’est occupé des rescapés : on déplorait 70 morts et 346 blessés.

Dans les années 1990, Garcia est parti en Somalie pour documenter la guerre civile et, plus tard, il s’est rendu en Bosnie pour le New York Times afin de couvrir la guerre qui y sévissait. En août 2015, il prend cette célèbre photo de Bush à bord d’un avion Air Force One survolant les dégâts causés par l’ouragan Katrina. Cette photo est devenue ensuite le symbole du mandat de Bush : on le voit contempler sans grande émotion, de manière détachée, la souffrance humaine et le chaos.

2011 : l’arrestation

Dans le Maryland, à Wheaton, Mannie Garcia a été arrêté et violenté par un policier pour une raison absurde : le photojournaliste était en train de photographier un policier dans l’exercice de ses fonctions, ce qui ne lui a pas plu. Ce dernier l’a attrapé par la nuque, frappé et a plaqué sa tête contre sa voiture avant de retirer la carte mémoire de son appareil photo.

Garcia a été condamné pour trouble à l’ordre public et, pour sa défense, le policier attestait que le photographe s’était lui-même jeté au sol dans le but de se blesser. Si Garcia a été acquitté quelques mois après que ces charges ont été reconnues contre lui, sa réputation auprès de la Maison-Blanche était salie : son casier n’était plus vierge et le gouvernement ne pouvait donc plus lui donner accès à ses événements.

Mais il décide de ne pas laisser la police l’emporter sur la justice. Le 7 décembre 2012, il poursuit le Montgomery County du Maryland, son chef de la police ainsi que plusieurs officiers du département : il demande des indemnités et une punition contre cette violence policière. La grande firme d’avocats Davis Wright Tremaine le soutient ainsi que les associations nationales de la presse et des photographes. Ils saisissent la Cour fédérale pour violation de ses droits civiques.

Le 4 mars 2013, la justice reconnaît les torts des policiers et l’accusation du photographe : selon le premier amendement, les citoyens américains ont le droit de photographier, dans la paix, les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions.

2017 : le dénouement (il était temps)

L’année de la victoire a sonné. Hier, le verdict de la Cour fédérale a été rendu : la police de Montgomery doit verser 45 000 $ de dédommagement au photographe pour le motif d’arrestation injuste. PetaPixel rapporte que le procès a condamné la police de Montgomery pour avoir arrêté et puni un homme, en train de photographier dans son droit un policier. Ils reconnaissent donc tous les faits, y compris la violence subie par Mannie Garcia.

Un des avocats de Garcia, Bob Corn-Revere, a déclaré être heureux “d’avoir rendu justice à Mannie Garcia” et d’avoir “confirmé le fait que le premier amendement protège le droit des photographes et des citoyens, même dans la documentation des fonctions policières”. Le chef de l’association NPPA (dédiée aux photojournalistes), Mickey H. Osterreicher, qui a travaillé avec Garcia et ses avocats, a ajouté qu’il était satisfait du jugement et du travail qu’ils ont fait sur cette affaire. Outre la somme de 45 000 $, la somme des frais juridiques va leur être remboursée et les avocats pensent “dépasser tranquillement les 100 000 $”.

Mannie Garcia, quant à lui, avoue être “soulagé” de la tournure qu’ont pris les choses :

“Je suis extrêmement soulagé de l’aboutissement de ce procès, après cinq ans et demi de bataille. Je pense que ce procès a mis en lumière le manque du respect des droits citoyens de la part des policiers. Je pense que cela changera les choses, pas juste pour moi.”

On espère aussi.