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La beauté d’une femme de plus de 80 ans immortalisée par sa fille

La beauté d’une femme de plus de 80 ans immortalisée par sa fille

Image :

© Sage Sohier

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Par Lise Lanot

Publié le

À plus de 80 ans, Wendy Morgan est une force de la nature. Sa fille a immortalisé son quotidien, au fil de son vieillissement.

Le 26 janvier 1948, la mère de Sage Rohier pose en couverture de Life Magazine. Dans les années 1940, elle se fait photographier par Richard Avedon et Irving Penn. Fascinée par la beauté de sa mère au fil des années, sa fille a décidé de documenter sa vie, et particulièrement sa vie de femme âgée à travers un livre Witness to Beauty (“Être témoin de la beauté”, ndlr).

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L’ouvrage retrace la vie de Wendy Morgan, née Burden, et commence par un album de ses photos personnelles où sont compilées des images d’elle jeune, en noir et blanc, et des souvenirs des séances photo de sa jeunesse. Mannequin, épouse, mère, veuve, femme indépendante et toujours tirée à quatre épingles : en quelques pages sont résumées plusieurs décennies de vie en images. L’album se termine vers ses cinquante ans, avant que ne commence le projet photographique de sa fille, Sage Sohier.

Sage Sohier se photographie parfois avec sa mère, recréant des photos d’enfance ou posant simplement face à l’objectif. Le quotidien de sa mère est documenté avec grâce et pudeur. Se maquillant dans sa chambre ou jardinant, la vieille dame se laisse photographier sans artifice. Nue dans sa piscine faisant ses exercices ou en pleine séance d’acupuncture, elle expose son corps vieillissant, tout comme elle accepte de se faire photographier avant et après les effets de son lifting.

Un voyage intime à travers le temps qui passe

C’est d’une part la vie d’une femme âgée que sa fille immortalise, une femme qui a un jour basé sa carrière sur ses traits et sa beauté et qui doit apprendre à voir son visage se rider et son corps vieillir. Mais c’est aussi la relation mère/filles que Sage Sohier photographie. Elle capture des moments d’intimité entre sa mère et sa sœur, en pleine discussion, ou des moments partagés toutes les trois en train de se décolorer la moustache ou posant simplement face à l’appareil.

Cette familiarité se fait ressentir de façon très forte sur les images. La photographe nous fait entrer à l’intérieur d’un cocon familial. Malgré le naturel apparent des deux filles, le mode de vie somptueux de la mère participe à cet effet d’intimité : la douceur des dessus de lit, le calme de la piscine et la chaleur des intérieurs laisse imaginer un quotidien confortable. L’admiration de la fille pour sa mère est particulièrement présente, et c’est depuis ce point de vue de spectateur admiratif et intime que Sage Sohier nous place. Elle explique en préambule de son livre :

“Lorsque j’étais enfant, j’ai grandi comme un témoin de sa beauté : je m’allongeais sur son lit, avec ses chiens et je la regardais essayer ses vêtements et s’observer de façon critique dans le miroir. En grandissant, il n’a même pas été question de la concurrencer donc j’ai pris ma place de l’autre côté de l’objectif, sans que cela ne me rende malheureuse.”

En photographiant ainsi sa mère, sa sœur et elle-même, c’est aussi à un travail sur les générations et le temps qui passe (notamment pour les femmes) auquel s’adonne Sage Sohier. Toujours apprêtée, sa mère semble parvenir à arrêter le cours du temps et il arrive un moment où ses filles semblent presque plus âgées qu’elle. Sage Sohier affirme vouloir représenter le temps qui passe, tout en reconnaissant que sa mère a eu la chance de vieillir d’une façon particulière.

En plus de la beauté de Wendy Morgan et de la joliesse de la relation des trois femmes, les images sont particulièrement réussies. Cela est sûrement dû à son passé de modèle, la vieille femme capte l’objectif avec force. Son regard, souvent perdu hors-champ, lui donne un air songeur, parfois mutin.

La série est d’autant plus touchante que ce n’est pas seulement la vieillesse physique qui est représentée, mais aussi bien ce qu’implique le vieillissement. On voit autant Wendy Morgan se préoccuper de son apparence que se pencher sur le lit de mort d’un de ses amis.

Witness to Beauty est publié chez Kehrer Verlag.