En images : au Liban, le street art redonne vie à l’un des quartiers difficiles de la banlieue de Beyrouth

En images : au Liban, le street art redonne vie à l’un des quartiers difficiles de la banlieue de Beyrouth

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Par Lisa Miquet

Publié le

Grâce à l’art, Ouzaï, quartier sud de la banlieue de Beyrouth, s’est radicalement transformé.

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Lorsqu’on arrive à Beyrouth en avion, la première chose que l’on aperçoit lors de l’atterrissage, c’est Ouzaï, un quartier sud de la banlieue beyrouthine. L’endroit, particulièrement défavorisé, est connu pour être le fief du Hezbollah. Désertées par de nombreux Libanais, les rues d’Ouzaï sont considérées comme dangereuses et sont fortement déconseillées aux touristes.

Et pourtant, depuis trois ans, les murs d’Ouzaï se sont radicalement transformés grâce à l’implication de nombreux artistes et d’un homme d’affaires libanais, Ayad Nasser. Après une enfance difficile, ce self-made-man – qui s’est construit une réputation dans l’immobilier de luxe au Liban –, a décidé de prendre les choses en main pour aider son pays.

“Je veux être un bon citoyen”

Il explique avoir eu une prise de conscience en 2015, lorsque la crise des déchets donnait une mauvaise image de son pays. Face à l’immobilisme des politiques, du gouvernement et des institutions religieuses, il a pris la décision de changer les choses lui-même et a choisi de commencer par Ouzaï, son quartier d’origine. Il nous raconte :

“J’ai dit à mes deux enfants : ‘Vous avez un troisième frère, qui est le Liban. Ce que je vais dépenser pour vous, je vais aussi le dépenser pour le Liban.’ Tout le monde m’a pris pour un fou, mais je voulais vraiment changer les choses.”

Après avoir appelé tous ses contacts, organisé des ventes d’œuvres d’art et payé quelqu’un pour nettoyer les rues d’Ouzaï, il a réussi à faire venir plusieurs artistes internationaux pour qu’ils peignent les murs du quartier : une manière d’apporter de la couleur aux rues mais aussi de créer un véritable rayonnement culturel.

Les artistes locaux se sont rapidement joints au mouvement et c’est à présent une centaine de façades qui ont été repeintes, donnant au quartier un tout nouveau visage. Pour continuer sur cette lancée, l’entrepreneur a ensuite rebaptisé le quartier “Ouzville” et lui a dédié une page Facebook et un compte Instagram.

Quand on demande à Ayad Nasser s’il a sollicité l’autorisation de quelqu’un avant de lancer ce projet, ce dernier déclare : “Si je devais demander la permission à tout le monde avant de commencer : à la mairie, au Hezbollah, au gouvernement, croyez-moi, le projet n’aurait pas vu le jour !”

Créer du lien social à travers l’art

Si nettoyer et améliorer l’aspect des rues est évidemment positif, l’un des pendants importants du projet est aussi de créer du lien social à travers l’art. Sur place, on découvre une jeune femme en train de peindre un mur. Après quelques échanges avec elle, on apprend qu’elle a 16 ans, qu’elle est étudiante, et bien qu’elle ne soit pas originaire d’Ouzaï, cette dernière a pris contact via le compte Instagram d’Ouzville pour savoir si elle pouvait venir peindre.

Peu à peu, d’autres habitants du quartier se sont joints à elle et tous semblaient discuter dans la bonne humeur. Le businessman nous explique que cette cohésion est l’une des réussites du projet et qu’à ses prémices, il s’est heurté à de nombreuses critiques :

“Les gens se demandaient ce que je leur voulais. Je suis allé parler avec chaque habitant de chaque maison, pour leur proposer de la faire repeindre. Je leur demandais : ‘Qu’est-ce que vous aimez ? Quelles couleurs ?’ Au début, les gens ne voulaient pas, ils avaient peur. J’ai donc pris le temps d’expliquer à chaque personne. On n’a pas seulement changé la façade, on a aussi changé les mentalités !”

Si l’action d’Ayad Nasser est parfois critiquée – on lui reproche notamment d’avoir utilisé de l’argent pour de la peinture alors que faciliter l’accès à l’eau ou à l’électricité aurait peut-être été plus utile –, ce dernier répond : “Je ne suis pas là pour remplacer le gouvernement, je suis là pour montrer que si on mène des actions, on peut changer les choses, et en trois ans, Ouzaï a vraiment changé.”

Maintenant que la population locale est impliquée et que la situation à Ouzaï s’est améliorée — la médiatisation du quartier a créé une petite activité économique —, l’entrepreneur souhaite aujourd’hui aider d’autres régions marginalisées du Liban comme Akkar, Tripoli, Saïda, ou encore Bekaa. En attendant de voir ces nouvelles transformations, on vous laisse découvrir les rues d’Ouzville en images.