L’envers impitoyable de la Fashion Week mis en lumière par Meyabe

L’envers impitoyable de la Fashion Week mis en lumière par Meyabe

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Par Florian Ques

Publié le

Grâce à son projet sobrement intitulé No Flash, le photographe français questionne le matraquage incessant auquel sont exposées les célébrités.

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À chaque nouvelle édition de la Fashion Week parisienne, c’est toujours la même rengaine. Une fois le défilé de Chanel ou Balmain ou l’un des autres grands noms de designers achevé, les invités, très souvent des personnalités notoires, quittent les lieux. Ces célébrités sortent prendre l’air pour mieux subir la lumière. En effet, à peine ont-elles franchi la sortie qu’elles se retrouvent assaillies par une armada de flashs inquisiteurs, avide de capturer la star sous tous les angles possibles et imaginables. Cette loi de la jungle revisitée, voilà ce que le jeune Meyabe espère mettre en avant.

Depuis quelques années, le photographe squatte les Fashion Weeks de la capitale et assiste à cette offensive de lumières éblouissantes. “Une fois, j’ai demandé à un photographe présent pourquoi on utilisait le flash”, nous avoue-t-il autour d’un café, “il m’a juste répondu que c’était comme ça”. Un aveu détaché qui vient étonner Meyabe, lequel n’a jamais été rodé à l’exercice du flash. Plutôt que de joindre ce mouvement oppressif, il préfère le dénoncer par le biais de No Flash, sa prochaine exposition photo dont il nous explique le sens :

“La visée, c’était de pouvoir exposer les différentes manières de photographier et aussi de montrer un style qui commence à partir, à savoir le fait d’utiliser constamment le flash. Le fait de tout le temps shooter au flash montre non pas une faiblesse du photographe, mais une sorte de facilité. Le problème du flash, c’est que ça dénature un peu trop parfois et il est utilisé à mauvais escient.”

Le flash, un coup de fouet

Sur les tapis rouges, c’est une véritable journée portes ouvertes. Tout est permis pour avoir son cliché de la it girl du moment : les photographes se bousculent entre eux, mettent leur flash en mode automatique, n’hésitent pas à héler la star par son prénom, détruisant dans la foulée toute bienséance sociale. “La politesse n’existe plus”, déclare de but en blanc Meyabe, “chacun veut avoir sa photo. Pour pouvoir l’envoyer vite aux journaux, pour pouvoir l’avoir pour soi ou la mettre sur son Insta. Et au bout du compte, il n’y a plus cette notion de délicatesse vis-à-vis du modèle”. L’appât du gain au détriment du respect : triste constat.

“Je suis un gros observateur, j’ai souvent tendance à regarder les gens, affirme le photographe. Je suis allé vers la mode mais ça aurait pu être autre chose. La mode, c’est un prétexte”. Un prétexte qui lui aura tout de même valu de croiser toute une ribambelle de célébrités. Catherine Deneuve, Claudia Schiffer, Sandrine Kimberlain ou encore, plus récemment, Marion Cotillard : toutes ces comédiennes ou mannequins sont inconsciemment passées devant l’objectif de Meyabe. Le rendu est pourtant loin d’être des plus conventionnels.

À contre-courant des images trop classiques de tapis rouge que l’on peut acheter via Getty Images, les photos de Meyabe sont nettement plus atypiques. Grâce à un principe de bandes, l’artiste illustre le contraste entre le rendu que la photo devrait avoir et l’effet de surexposition qu’engendre l’usage frénétique du flash. “Lorsque le thème du flash a été pensé, mon but n’était pas forcément de faire deviner qui se cache derrière”, précise-t-il entre deux gorgées, “pour Karlie Kloss, on ne va reconnaître que sa lèvre. Je voulais montrer ce qu’elle subit. Le flash, c’est comme un coup de fouet”.

Meyabe, artiste autodidacte

Mais comment se débrouiller pour capturer des photos de bonne qualité dans l’obscurité ? Pour ça, Meyabe sait faire preuve d’inventivité. “Lors d’une sortie de Fashion Week au soir, il fallait que je shoote sans flash puisque je n’en avais pas”, nous confie-t-il, “c’était pour Yamamoto. Je me suis aidé des fraises de cigarettes des personnes qui fumaient pour avoir quelque chose d’assez lyrique au final. J’ai d’ailleurs fait une grosse série de photos autour de ce thème-là”. Tout est bon pour ne pas avoir recours au flash, ce qui peut évidemment se comprendre.

Bien qu’amateur, Meyabe témoigne d’une technique et d’une créativité telles qu’on le catégoriserait d’emblée comme professionnel diplômé. Mais il n’en est rien, le jeune photographe se destinant à l’origine à l’écriture de scénarios et de courts-métrages. Dès 21 ans, il s’essaye à la photo avec des appareils jetables, tout ce qu’il y a de plus basiques. “Une fois, on m’a préconisé de prendre un appareil photo, c’était un petit Canon et j’ai commencé à shooter avec”, nous apprend-il. Après avoir tenté une école par correspondance, il a finalement pris l’initiative de se former sur le tas dans le meilleur des contextes : la rue.

Parmi ses influences, Peter Lingbergh. “C’est celui dont je me rapprocherais le plus au niveau du style, surtout concernant les portraits”, concède le jeune artiste, “puis, il a une fascination pour les femmes, pour les modèles, qui est quand même assez importante”. Pour son exposition inaugurale, Meyabe pose ses valises dans sa propre ville, l’occasion de faire découvrir l’étendue de son talent à ses voisins et autres visiteurs environnants.

“No Flash” de Meyabe, exposition à la galerie d’Aguesseau à Boulogne, du 25 octobre au 5 décembre 2017.