Rencontre avec Yoann Olawinski, le photographe qui nous fait traverser la France

Rencontre avec Yoann Olawinski, le photographe qui nous fait traverser la France

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Par Lisa Miquet

Publié le

“J’avais le quotidien de tout Parisien. Des réunions interminables et une fuite en avant vers le week-end dès le lundi midi […] C’est surtout une question de trajectoire. J’avais l’impression d’être sur le chemin qui n’allait pas me mener où je voulais aller.”

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1 500 kilomètres d’asphalte

Pour démarrer sa carrière de photographe, il considérait alors qu’il avait besoin d’un projet ambitieux, avec une réelle démarche. Sa pratique photographique étant déjà très liée au voyage, il lui semblait alors évident de partir sur les routes. Pour ce voyage initiatique, il a tout simplement choisi la France. Alors qu’on a tendance à privilégier l’étranger lorsqu’on souhaite s’évader, il a préféré partir à la découverte de son propre pays :

“Je voulais être spectateur d’une transition, rencontrer la France et me sentir changer. Le voyage qui me ferait le plus grandir était finalement le plus accessible.”

Le photographe a une profonde envie d’apporter une vision documentaire de la France. Il veut interroger la représentation d’un pays qu’on croit connaître et qui recouvre pourtant des réalités très différentes. Sillonnant la France à pied durant une centaine de jours, de Valence à Caen en passant par Lyon, Chalon-sur-Sâone, Mulhouse, Nancy, Verdun, Reims, Amiens et Deauville, il use ses baskets sur plus de 1 500 kilomètres d’asphalte. Ces longues distances à pied, transforme la vision du réel du photographe. L’inconfort et la lenteur lui offrent un nouvel œil, dépaysé.

Un dépaysement total

S’il avait eu l’occasion de voyager auparavant, en Asie notamment, son dépaysement était différent. À l’étranger, notre référentiel est forcément modifié : les gens parlent une autre langue, on se force à la curiosité, les paysages sont radicalement différents. Se dépayser en France était le défi qu’il voulait se lancer. Cette extraction du quotidien s’est aussi traduite par des conditions logistiques particulières. Pour être autonome et libre de ses trajets, le jeune homme se déplace avec sa tente, un panneau solaire et pratique depuis plusieurs semaines le camping sauvage. Cette situation inédite l’oblige à se concentrer sur une préoccupation fondamentale : où dormir ? Chaque soir, il s’arrête de marcher vers 20 heures en quête d’un nouvel endroit pour camper :

“J’identifie assez facilement les endroits où je peux planter ma tente. Mais je dors assez peu et assez mal, il faut l’admettre.”

Alors qu’il est souvent seul sur les routes, il ne ressent pas de sentiment d’insécurité. Il explique en riant :

“C’est moi qui fait plutôt peur aux gens ! Ils me trouvent un peu louche, mais sympathiquement louche !”

“Je veux montrer qu’on peut créer une sorte de lien avec l’autre. Les gens s’imaginent le pire, encore plus depuis les attentats.”

Alors qu’il a réalisé la moitié de son périple, le photographe peut déjà sentir une évolution dans sa pratique photographique. Au fil des rencontres, il photographie avec plus d’aisance les inconnus, ose plus facilement capturer des instants. Son œil travaille et il apprend à composer avec les éléments :

“Quand je marche huit heures par jour sous le soleil, je contrôle finalement assez peu de facteurs. Je me déplace et capture des instants quand la lumière atterrit au bon endroit, au bon moment.”

Ses projets pour la suite ? Terminer ce long périple, continuer à le documenter puis en faire une exposition. Si son avenir après son voyage est encore incertain, une chose est sûre, il en sortira grandi :

 “Je vois les gens vivre pas forcément comme on m’avait expliqué qu’il fallait vivre.”