Une expo sur les chrétiens d’Orient à l’Institut du monde arabe

Une expo sur les chrétiens d’Orient à l’Institut du monde arabe

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

Jusqu’au 18 janvier 2018, l’Institut du monde arabe de Paris présente une grande exposition centrée autour des chrétiens d’Orient, de la naissance de Jésus Christ à nos jours.

À voir aussi sur Konbini

Aucun texte ne pourra jamais décrire la grandeur et l’histoire millénaire du monde arabe, un monde pluriel malheureusement souvent réduit dans la bouche de certains à des amalgames ou des clichés ne couvrant même pas un dixième de la richesse de l’Orient. Depuis sa création en 1987, l’Institut du monde arabe de Paris tente de rendre hommage aux multiples facettes de ces civilisations. Après une grande exposition sur les trésors de l’islam en Afrique, la présentation d’une collection pour un musée en Palestine ou encore une biennale consacrée aux photographes du monde arabe contemporain, le musée, présidé par Jack Lang, a décidé de rendre hommage aux chrétiens d’Orient à travers des objets d’art historiques et des photographies contemporaines.

L’exposition se divise en plusieurs parties permettant d’appréhender de la façon la plus globale possible l’histoire plurielle du christianisme en Orient. En premier lieu, le visiteur se familiarisera avec le thème de l’exposition à travers une présentation de la géographie des lieux évoqués (Syrie, Liban, Égypte, Jordanie et Irak principalement) et d’une sélection de leurs chefs-d’œuvre, avant de suivre de façon chronologique l’histoire et les transmutations de ces “chrétiens d’Orient”.

La collection rassemble de nombreux objets permettant de retracer l’histoire de ces communautés, notamment concernant l’apparition des représentations du Christ et des thèmes iconographiques chrétiens (c’est-à-dire représenter le Christ ou certains principes de la religion par des symboles). Lorsque au VIIe siècle, l’islam est instauré religion d’État après l’apparition du prophète Mahomet, le nombre de chrétiens diminue progressivement au Moyen-Orient. Pourtant, ces derniers continuent à faire partie de “l’administration, la vie intellectuelle, sociale culturelle des différents califats”, rappelle l’Institut du monde arabe. Cette présence explique la possibilité pour les historiens de rassembler des objets ayant trait au christianisme oriental à travers les siècles.

Cela dit, voilà un sujet bien épineux que celui des chrétiens d’Orient, tout d’abord puisque sa dénomination est assez floue et englobe des communautés parfois extrêmement différentes. De plus, cette “minorité” se trouve souvent récupérée par divers groupes (notamment, en France, par des factions d’extrême droite) qui font des chrétiens d’Orient de nouveaux martyrs et leur “caution Moyen-Orient”, mettant de côté l’horreur que vivent aussi les musulmans de ces mêmes régions en guerre. Prendre en compte les multiples facettes chronologiques et géographiques de l’histoire du christianisme en Orient se révèle donc indispensable.

La photographie comme approche contemporaine

De même, il est difficile de proposer une vision d’ensemble du monde oriental sans s’attarder sur son actualité brûlante et les profondes mutations que ses territoires et populations connaissent. Ainsi, la quatrième et dernière partie de l’exposition s’intéresse aux XXe et XXIe siècles, problématisant la chrétienté dans le monde arabe contemporain et mettant en regard les œuvres de photographes qui ont “capturé le visage des chrétiens d’Orient d’aujourd’hui”. On retrouve notamment les images de Roger Anis, Dor Guez et Hawre Khalid.

Mettre ainsi en regard les travaux de différents artistes permet de laisser s’exprimer “les visages de ceux qui sont aujourd’hui partie prenante de ces territoires confrontés à des situations politiques, sociales très diverses”. Si leurs photographies représentent effectivement la pluralité et l’unicité de ceux qui constituent ces chrétiens d’Orient, elles mettent aussi en exergue leurs tristes points communs, notamment en ce qui concerne la nécessité de l’exil, la peur de l’avenir ou le courage de la résistance.

Comme un écho à l’importance de l’image comme pouvoir fédérateur et narrateur depuis des siècles, les œuvres présentées dans la dernière partie de l’exposition agissent comme des témoins anthropologiques des réalités modernes du monde arabe. Par exemple, l’artiste Dor Guez, d’origine chrétienne palestinienne et juive tunisienne, a concentré une partie de son travail sur l’importance de la représentation par l’image comme constitution d’un héritage mémoriel : c’est pourquoi il travaille sur un projet d’archives chrétiennes palestiniennes, qui rassemble “les histoires personnelles de [cette] diaspora”.

Aux côtés de ces portraits, on retrouve les images de Roger Anis, photojournaliste égyptien qui a couvert le Printemps arabe et la crise du tourisme qui s’est ensuivi dans son pays. Celui-ci s’est photographié avec sa femme, dans leurs tenues de jeunes mariés, au pied des murs antiémeutes construits au Caire, questionnant ainsi l’avenir de ceux qui commencent leur vie d’adulte dans un tel contexte et mettant en image une question posée par des millions d’autres individus : “partir ou rester ?”

Le photographe irakien Hawre Khalid a quant à lui documenté la résistance organisée de villageois chrétiens qui tentent de se protéger face à la menace de Daech. Si les narrations des artistes (et leur façon de les raconter) sont bien différentes, elles s’inscrivent tout de même chacune dans une histoire collective qui invite les visiteurs à se questionner sur ce qu’ils connaissent du monde arabe, de son immense héritage et, bien sûr, de son avenir.

L’exposition “Chrétiens d’Orient. Deux mille ans d’histoire” est présentée à l’Institut du monde arabe du 26 septembre 2017 jusqu’au 18 janvier 2018.