Festival Photoreporter 2017 : Simona Ghizzoni immortalise l’adolescence de la banlieue napolitaine

Festival Photoreporter 2017 : Simona Ghizzoni immortalise l’adolescence de la banlieue napolitaine

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Par Lisa Miquet

Publié le

Exposée dans le cadre du Festival photoreporter de Saint-Brieuc, Simona Ghizzoni est partie à la rencontre des adolescents du quartier sensible de Scampia.

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Souvent comparée à Marseille, Naples est à la fois une ville à la beauté époustouflante et le territoire de nombreuses inégalités sociales, faisant parfois monter les tensions à leur paroxysme. Dans la banlieue nord de la ville, le métro se termine à la station Piscinola/Scampia. La mer et la vue sur le Vésuve laissent place aux champs d’amandiers, aux terrasses bétonnées et aux longues barres d’immeubles : bienvenue dans le quartier de Scampia, l’un des plus difficiles d’Italie.

Créé dans les années 1960 par l’architecte Francesco Di Salvo, ce district était initialement destiné à la petite bourgeoisie napolitaine. Conçu pour environ 6 500 habitants, ce complexe de bâtiments appelé “Les Vele” s’inspirait des “unités d’habitation” du Corbusier et avait pour objectif de créer un nouveau modèle de zone résidentielle, offrant à ses habitants de nombreux services et infrastructures.

Une cinquantaine d’années plus tard, la réalité est tout autre. Les tours des Vele abritent aujourd’hui plus de 40 000 personnes. Véritable désert urbain, théâtre de la misère sociale – avec un taux de chômage avoisinant les 60 % –, Scampia est rapidement devenu une plaque tournante de la criminalité italienne. Faisant la une des journaux, le quartier populaire a été médiatisé pour ses trafics de drogues en plein air et a souvent été considéré comme l’emblème de la mafia napolitaine, allant jusqu’à entraîner des centaines de morts.

Depuis quelques années, les tensions au sein de la cité semblent s’être relativement apaisées et le quartier tente de se reconstruire, mais que reste-t-il de Scampia ? Qu’est-ce qu’implique de grandir dans ce quartier ? Ce sont les questions que la photographe Simona Ghizzoni s’est posées, en allant à la rencontre des adolescents qui vivent sur place.

La mer n’atteint pas Naples

Sa série photo s’intitule Il mare non bagne Napoli, ce qui signifie en français “la mer n’atteint pas Naples”. Ce titre fait référence à un roman d’Anne-Marie Ortese, peu apprécié des Napolitains, qui décrit la ville comme un endroit malade et triste, plein de cris et de désespoir. Si Simona Ghizzoni ne porte pas particulièrement l’ouvrage dans son cœur, le titre lui paraissait particulièrement éloquent au regard de la situation à Scampia :

“Cela ne reflète pas la Naples que je connais et aime. Pourtant, les enfants de Scampia ne vont pas au bord de la mer. Je voulais en amener certains à la plage, pour une journée, mais leurs familles n’ont pas donné leur permission : c’est trop loin et la mer est trop dangereuse. Cela m’a attristé et est devenu le symbole de la privation de beauté dont souffrent ces enfants.”

Au-delà du fait de s’interroger en images sur ce qu’est de grandir au sein de ce quartier populaire, la photographe est véritablement partie à la rencontre des jeunes habitants, les impliquant même dans la création photographique. En effet, une grande partie des photos de sa série exposée à Saint-Brieuc a été réalisée avec le soutien de l’association Chi rom e… chi no lors d’un atelier photo avec les étudiants du quartier. Un travail en collaboration, qui permet de mieux cerner le sujet, mais aussi d’initier ces jeunes à l’art, à une période charnière de leur vie. La photographe explique :

“L’adolescence, la période la plus turbulente de notre existence, est à la fois la plus fertile, celle qui jette les bases de l’avenir. J’ai cherché cet espace suspendu qu’est l’adolescence avec ses contradictions et sa beauté aveuglante.”

Il en résulte une série photos en noir et blanc, qui montre la réalité, tout en trouvant de la douceur et de la beauté, parmi les tonnes de béton désaffectées. À découvrir en images, lors du Festival photoreporter de Saint-Brieuc.

Vous pouvez retrouver le travail de Simona Ghizzoni sur son site personnel. Son exposition a lieu à la Maison de l’agglomération dans la baie de Saint-Brieuc, jusqu’au 5 novembre 2017, à l’occasion du Festival photoreporter.