FIAC 2018 : Teresa Margolles met en lumière les travailleuses du sexe et les réfugiés

FIAC 2018 : Teresa Margolles met en lumière les travailleuses du sexe et les réfugiés

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Par Lise Lanot

Publié le

Travailleuses du sexe mexicaines et réfugiés vénézuéliens sont mis à l’honneur à travers le travail de Teresa Margolles.

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Dans l’un des 197 stands de la Foire internationale d’art contemporain, ouverte au Grand Palais du 18 au 21 octobre, la galerie suisse Peter Kilchmann expose des photographies de l’artiste conceptuelle Teresa Margolles. Des images provenant de deux séries différentes, Pista de baile (“Piste de danse”) et A New Work (“Un nouveau travail”), y sont présentées. Les séries ont toutes deux une teneur sociale ayant trait au continent américain, ses migrations internes et leurs conséquences économiques et sociales.

Pour les photos de Pista de baile (“piste de danse”, en français), la photographe d’origine mexicaine s’est intéressée à la ville de Ciudad Juárez, située à la frontière entre le Mexique et le Texas, “ville sœur” d’El Paso aux États-Unis, de l’autre côté du Rio Grande. L’agglomération des deux villes compte plus de 2 millions de personnes, c’est l’un des exemples les plus connus de mégalopole binationale.

Interrogé par nos soins, un galeriste de Peter Kilchmann nous explique que, étant donné sa situation particulière, la ville de Ciudad Juárez attire énormément d’Américains qui viennent faire la fête de façon “plus extrême” que sur leur territoire. À l’exemple d’une ville comme Tijuana, Ciudad Juárez est devenu un lieu de tous les excès que les officiels de la ville ont récemment décidé de “nettoyer” : “Ils détruisent les bars et les boîtes de nuit”, nous rapporte-t-il.

Ce “nettoyage” visant à redorer l’image de la ville à cause des excès des fêtards cause la perte d’activité de nombreuses personnes évoluant dans le monde de la nuit. C’est aux oublié·e·s transgenres que Teresa Margolles a voulu rendre hommage. Elle a mis en scène ces personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe et de la fête sur les vestiges des pistes de danse des clubs détruits.

Apprêtées, les modèles détonnent, posant en plein jour et sous un ciel bleu clair au milieu des décombres, avec une attitude fière et presque régalienne. Les images deviennent une sorte de mémorial du passé, lorsque ces personnes avaient encore un travail et un toit sous lequel travailler.

Lever le voile sur la situation des réfugié·e·s du Venezuela

La deuxième série présentée, A New Work, porte aussi des revendications sociales, plus au sud cette fois-ci, puisqu’elle traite des migrations de personnes entre la Colombie et le Venezuela. Depuis 2014, le Venezuela connaît une crise politique, économique et sociale qui ne fait que s’enfoncer et a forcé de nombreux·ses habitant·e·s à quitter leur pays pour la Colombie toute proche.

Le pont Simon Bólivar, qui sépare la ville colombienne de San José de Cúcuta du Venezuela, a vu traverser quotidiennement des dizaines de milliers de personnes se voyant dans l’obligation de quitter leur pays d’origine. Une fois arrivé·e·s en Colombie, leurs choix de survie sont maigres. Les migrant·e·s doivent choisir entre l’industrie du sexe ou le transport de marchandises en brouette, d’un côté à l’autre du pont.

Si cette dernière occupation, très physique, était exclusivement réservée aux hommes, Teresa Margolles s’est intéressée à sa féminisation, au cours de ces derniers mois. Trois jours de suite, elle a réuni certaines de ces travailleuses sur le pont Bólivar et les y a fait poser. L’artiste jette ainsi la lumière sur ces femmes qui mettent en péril leur santé physique pour survivre hors de leur pays d’origine.

Les séries de Teresa Margolles témoignent de la pluralité d’œuvres proposées par la FIAC. La preuve qu’à côté d’une sculpture conceptuelle d’Anish Kapoor, d’une installation portant sur le massacre de centaines de nations ou de tableaux loufoques, on trouve aussi des photographies sociales révoltées.

La FIAC se tient au Grand Palais jusqu’au 21 octobre 2018.