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Fire Island, le paradis homosexuel des années 1970-80

Fire Island, le paradis homosexuel des années 1970-80

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Par Dounia Mahieddine

Publié le

En 1970, Tom Bianchi s’envole pour Fire Island, cette petite île au large de New York, et en revient avec des Polaroids emplis de tendresse.

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Dans les années 1950, Tom Bianchi – un célèbre avocat devenu plus tard photographe – tombe sur un magazine et trouve une photo de Glen Bishop, un culturiste qui posait à Fire Island, cette petite île située dans le comté de Suffolk, au sud de Long Island, où de nombreuses personnes de la communauté gay se réunissaient pour s’amuser. “Fire Island semblait exotique, je ne me doutais pas qu’un endroit pareil existait, je me doutais encore moins qu’un jour, je considérerais cet endroit comme mon chez-moi”, peut-on lire dans la préface de son livre.

Ce n’est qu’une dizaine d’années après avoir empoché son diplôme de droit que le photographe est invité à passer un week-end à Fire Island où il fait la rencontre de plusieurs personnes appartenant à la communauté gay. Muni d’un Polaroid SX-70, Tom capture les moments de festivité et d’intimité de ses amis et nous plonge dans la culture queer. Entre mer, sexe et soleil, les photos regorgent de douceur, d’amour, de tendresse et de liberté : 

“En fin de compte, Fire Island représentait pour moi bien plus qu’un endroit, j’y ai trouvé une force qui a donné naissance à mon âme gay et l’a nourrie. Comme elle l’a fait pour bien d’autres avant moi. J’ai grandi en ayant toujours été attiré par les hommes, mais le monde dans lequel je vivais était si impitoyable envers les homosexuels que j’ai dû m’imaginer un autre monde. Je rêvais qu’existe un lieu où des hommes comme moi puissent jouer sous le soleil, marcher le long de la plage en se tenant par la main et puissent même tomber amoureux. Mon Dieu, si seulement il pouvait exister un endroit comme celui-là.”

Bianchi est aujourd’hui l’auteur d’un livre photo intitulé Fire Island Pines: Polaroids 1975-1983, sorti en 2013 et contenant près de 350 images de cette période, accompagnées d’un texte émouvant où il retrace cette période de confusion et de colère suite à l’épidémie.

“La vie était devenue une interminable série de visites à l’hôpital”

Un jour, un ami de Tom, Nick Rock, professeur de yoga, tombe gravement malade, mais aucun médecin ne pouvait lui fournir de diagnostic. C’est à ce moment-là qu’il s’est souvenu de cette maladie que le New York Times appelait à l’époque le “cancer gay”. Dans une interview pour Papermag, il raconte :

“J’étais tellement en colère, merde, c’était encore une de leurs inventions pour nous rejeter sur le dos quelque chose qu’ils avaient créé de leur propre main. Je savais qu’une épidémie de ce genre pouvait être un véritable désastre pour notre communauté.”

Le photographe a alors suivi de très près cette épidémie qui s’est répandue dans les années 1980, coûtant la vie à son partenaire et à plusieurs de ses amis. C’est alors qu’il a décidé de s’engager dans la lutte contre le sida en co-fondant une société de biotechnologie et en travaillant sur le développement d’un médicament pour lutter contre le VIH :

“À cette époque, peu importe ce que tu avais, c’était synonyme de mort. Personne, absolument personne n’a survécu, ils étaient tous condamnés, c’était une mort certaine. Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai pu tenir le coup, la vie n’était devenue qu’une interminable série de visites à l’hôpital, au chevet de mes amis. Nous étions plusieurs à n’avoir que la vingtaine. Vous rappelez-vous de Sherri Lewis ? Je l’ai vu dans un talk-show, elle parlait de sa maladie et elle a dit que la seule façon de s’en sortir c’était d’agir exactement de la même façon qu’une personne vraiment forte. Alors, c’est ce que j’ai fait.

Mon rêve est qu’en voyant mon livre, certaines personnes reconnaissent leurs enfants, leurs amis, et qu’ils sachent que nous étions bons, intelligents, beaux, pleins de vie et qu’on a contribué à changer la culture américaine. Mais je veux surtout qu’ils se posent la question : comment c’était ? À quoi ça ressemblait vraiment ?”

Vous pouvez retrouver Fire Island Pines Polaroids 1975-1983 l’ouvrage de Tom Bianchi aux éditions Damiani.

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