Un livre photo donne de nouvelles couleurs à la Grande Dépression

Un livre photo donne de nouvelles couleurs à la Grande Dépression

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Par Lise Lanot

Publié le

Compilées, des images de la Grande Dépression en noir et blanc et en couleurs permettent de se pencher de nouveau sur cette période difficile pour l’Amérique rurale et de repenser la distance historique.

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Le mardi 29 octobre 1929 met un terme au faste des années 1920 qui avait touché le monde occidental (États-Unis et Europe de l’Ouest). Des années folles françaises aux roaring twenties américaines, la décennie est marquée par sa prospérité économique et culturelle. Le fameux jeudi noir, qui marque le krach boursier de 1929, stoppe cet élan net et met en difficulté les États-Unis de façon durable.

En 1931, la crise bancaire causée par l’éclatement d’une bulle spéculative provoque une crise économique. Les années 1930 sont alors marquées par une politique d’austérité et des tentatives de redressement économique qui laissent place à la Grande Dépression. Plus grande dépression économique du XXe siècle, cette période très difficile affaiblit la monnaie, le marché de l’emploi et affecte grandement le quotidien de la population, notamment rurale.

Les livres d’histoire disposent en général du même genre d’images pour représenter cette période : des photographies en noir et blanc qui proviennent souvent de la même source, la Farm Security Administration (FSA). Cet organisme américain créé en 1935 par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du New Deal du président Roosevelt (qui avaient notamment pour but de venir en aide aux fermiers touchés par la Grande Dépression et de combattre la pauvreté rurale) avait engagé des photographes et des écrivains afin de documenter la vie dans les campagnes et la pauvreté qui y sévissait, et de “présenter l’Amérique aux Américains”.

Nous rendre l’histoire plus proche grâce à la couleur

Si la majorité des photographies résultant de cette collaboration entre la FSA et des photographes de l’époque sont en noir et blanc, certaines ont été prises à l’aide de pellicules Kodachrome, précise le site Slate. Mise sur le marché en 1935, la célèbre pellicule Kodak a permis à quelques professionnels de prendre des photos en couleurs. La plupart des photographes, documentaires et artistiques, de l’époque se montraient cependant frileux à l’égard de cette innovation, autant en raison du coût et des difficultés du processus que de ses défauts (concernant les objets et sujets rapides par exemple).

C’est pourquoi les images en couleurs des années 1930 et 1940 sont si rares et nous apparaissent si surprenantes. Peter Walther a rassemblé les photos du FSA dans un livre paru aux éditions Taschen, New Deal Photography : USA 1935-1943. Les photos publiées retracent cette période difficile des États-Unis, sur laquelle celles en couleurs, particulièrement, permettent de poser un nouveau regard.

Le livre compile les images du programme de la FSA de 1935 à 1943, prises à travers l’Amérique d’alors et classées selon quatre sections régionales. Y figurent des photos aussi célèbres que la Migrant Mother de Dorothea Lange ainsi que des images plus ou moins connues du grand public, à l’instar des travaux de Walker Evans, Jack Delano, Louise Rosskam, Russell Lee ou John Vachon, qui représentent la myriade de figures qui composaient alors le pays. Des enfants de la campagne aux employées de compagnies ferroviaires en passant par les travailleurs des champs de coton, les ouvriers obligés de se délocaliser ou des prisonniers, ces clichés dressent le portrait d’une population qui souffre des répercussions des aléas du marché économique mondial.

Si les images en couleurs n’apportent pas forcément de grandes nouveautés en matière d’informations documentaires, elles rendent les scènes plus frappantes et rapprochent les personnes représentées de notre époque, comme l’indique Peter Walther :

“Les personnes dans ces photos pourraient être nos propres grands-parents. On peut voir les couleurs de leurs vêtements. Tout cela rapporte des informations importantes sur leur quotidien à l’époque.”

On se rend compte que, de façon un peu inconsciente, le noir et blanc nous éloigne effectivement de certaines parties de l’histoire. Voir des images en couleurs d’hommes et de femmes noirs travailler dans un champ de coton fait l’effet d’un couperet et rappelle que les démons du passé ne sont jamais bien loin.