AccueilPop culture

Une mannequin se bat pour prouver que nudité ne rime pas avec pornographie

Une mannequin se bat pour prouver que nudité ne rime pas avec pornographie

avatar

Par Ella Kemp

Publié le

Portrait d’une mannequin pour qui se dévoiler est plus une question de sincérité que de provocation.

À voir aussi sur Konbini

Dans ce monde où l’on passe son temps à se scruter les uns les autres et où tout passe par l’image, il peut être difficile de se démarquer. Les médias imposent des normes tacites qui déterminent ce que le public a envie de voir, et la majorité des artistes se plient en quatre pour rentrer dans ce moule étroit et inconfortable.

Polly Ellens est une mannequin basée à Londres qui veut s’affranchir des conventions. Elle a choisi de se qualifier de “top model alternative“, un terme dont elle reconnaît qu’il est beaucoup utilisé de nos jours. S’il est vrai que tout le monde cherche à prouver sa singularité, Polly Ellens revendique pour sa part une identité libérée de la censure, qui dénote dans la palette homogène que constitue habituellement le mannequinat.

Sa multitude de taches de rousseur et ses tatouages audacieux sont la signature de son look singulier, qu’elle assume depuis le début de sa carrière. Elle nous confie : “Je n’ai jamais eu pour but de rentrer dans le rang d’un groupe en particulier, ou d’une frange de l’industrie.”

Si le mannequinat a repéré Polly Ellens pendant son adolescence, sa carrière a pris son envol grâce à l’avènement et à la démocratisation des réseaux sociaux. Les photographes, les artistes et les modèles se sont emparés de ces plateformes, ce qui a élargi le champ des possibles en termes de visibilité et de créativité individuelle. Peu à peu, les shootings occasionnels se sont faits plus réguliers et, bientôt, ce qui avait commencé comme un passe-temps est devenu un emploi à plein temps.

Les tatouages ne sont plus un problème

Le style distinctif de Polly Ellens séduit désormais une industrie qui est enfin prête à l’accepter. Elle explique que si ses tatouages suscitaient souvent la désapprobation dans les médias traditionnels il y a quelques années, des mannequins tatoués sont désormais les visages de grandes marques de luxe :

“Je pense que le pouvoir des réseaux sociaux a influencé ces tendances, en les modifiant, en repoussant toujours plus loin les frontières de ce que les gens considèrent ou non comme étant beau et intéressant.”

Alors que les tatouages peuvent intimider et que la nudité provoque, Polly Ellens revendique une éthique qui se concentre sur la représentation d’une féminité forte et indépendante. Il lui tient à cœur de figurer fièrement son identité et tout le potentiel qui sommeille chez une femme débarrassée de la peur. Compris de manière universelle grâce à l’art, son courage transmet un message positif fort.

La nudité n’est pas forcément synonyme de pornographie

La jeune femme ne veut rien cacher. Alors que les réseaux sociaux censurent des publications parce qu’elles dévoilent un bout de téton, Polly Ellens insiste sur la différence entre la pornographie et l’art. Pour que tout le monde puisse voir son travail, elle est contrainte d’obéir aux règles, et sur Instagram certains de ses portraits sont partiellement floutés. “C’est parfois ennuyeux mais ça changera”, dit-elle. À ce stade, on sait tous qu’il est grand temps de libérer le téton, non ?

“J’essaye toujours de créer des images qui soient intéressantes et puissantes plutôt que sexuelles”, explique-t-elle. En filigrane de ce qu’elle réalise, notamment dans le cadre de sa longue collaboration avec Haris Nukem, son photographe de prédilection, elle communique un message fort.

Haris Nukem capte ses expressions avec une proximité intense, qui donne à ses photos une intensité viscérale et une texture unique. Polly Ellens trouve que la notion de nudité est entourée de préjugés et de précautions inutiles, et rejette l’idée qu’elle soit forcément sexuelle.

Puiser des émotions et de la force partout

Polly Ellens se sent inspirée par ceux qui l’entourent. À commencer par sa mère, qu’elle qualifie de “femme forte aussi bien physiquement que mentalement“, et qui lui rappelle ses ambitions : la beauté, la force et la grâce. Cette ténacité, le photographe Haris Nukem la canalise : “Il fait de la magie, c’est vraiment incroyable“, commente-t-elle.

Polly Ellens puise son inspiration auprès de sa famille proche et de ses amis, mais aussi de tous ceux qu’elle croise :

“Regarder les gens est un de mes passe-temps favoris. J’aime observer le monde qui s’affaire, me demander qui sont les gens et d’où ils viennent.”

Qu’aiment-ils ? Que détestent-ils ? Ces questions sur l’intimité des autres et leurs secrets inspirent la jeune femme, qui est toujours en phase avec ses émotions.

La musique est également un vecteur d’énergie : elle affine son sens aigu de la liberté. En faisant confiance à chacun de ses mouvements, elle parvient à se débarrasser des préjugés et à gagner en honnêteté : “J’aime écouter toutes sortes de rythmes et j’aime infiniment danser !”

Ce que montre le travail de Polly Ellens, d’Haris Nukem et de toute la communauté d’artistes qui épouse la nudité et qui ignore la doxa, c’est qu’il n’y a pas de modèles préconçus pour créer de l’art inspiré et puissant. Cette inspiration peut venir de partout et, au final, ce qu’on est prêt à montrer est plus beau que ce que l’on cherche à cacher.

Traduit de l’anglais par Sophie Janinet.