Skin, la série qui rend hommage à l’épiderme

Skin, la série qui rend hommage à l’épiderme

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Par Joséphine Faisant

Publié le

Skin est une collaboration entre The Taable et Metta Wangsa, une designer basée à Singapour. L’idée est venue de conversations et réflexions communes autour de la question du poids de la norme sociale sur la quête de l’individualité.

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The Taable est un collectif de photographes et designers indonésiens qui partagent un amour pour l’art visuel et son langage. Ils ont un fort penchant pour le détournement d’objets ou matériaux du quotidien, et puisent leur inspiration dans les échanges et les conversations qu’ils ont entre eux ou avec des inconnus, comme cela a été le cas pour la série Skin.

D’après Amanda Kusai, l’une des photographes de The Taable, le contact de la peau avec le ruban adhésif permet de donner corps à la lutte individuelle entre conformisme ambiant et convictions personnelles. Cela peut concerner autant la carrière que le mode de vie, l’orientation politique, les cercles d’amis et toutes formes d’entités qui entraînent des normes implicites auxquelles il est parfois difficile de résister. C’est ce conflit intime et subjectif que les photos de la série Skin illustrent.

Des peaux tiraillées comme métaphore d’une lutte personnelle

Il y a un décalage intéressant entre la finesse, la transparence du ruban adhésif et la déformation qu’il entraîne sur l’épiderme meurtri. L’élément de plastique est presque invisible, pourtant les distorsions de la peau sous son effet sont captivantes. Un paradoxe physique qui nous invite à repenser les différentes normes invisibles qui pèsent sur notre vie.

Au fil des photos, on voit le ruban adhésif attaquer la peau de multiples manières. Parfois il déforme, parfois il tiraille, parfois il soulève, parfois il ondule, parfois il étire. Son impact polymorphe sur l’épiderme permet de questionner le point de vue du spectateur, et les réflexions individuelles suggérées par la série Skin s’étendent à toutes les problématiques personnelles envisageables.

Chaque individu est amené, au moins une fois dans sa vie, à voir ses principes, ses valeurs ou ses ambitions secrètes entrer en conflit avec la norme sociale. Une épreuve qui peut s’avérer douloureuse ou perturbante. Chacun le vit à sa façon, avec résistance ou non. Et c’est une variété de réactions épidermiques qui est reprise dans le travail de ces photographes et designers indonésiens. Sur certaines images, le ruban adhésif entraîne une légère irrégularité et sur d’autres, il semble martyriser la peau. C’est cette cohabitation délicate et houleuse à la fois que les clichés de la série Skin incarnent avec un minimalisme soigné.

Un camaïeu de beige et de rose

Cette succession de dégradés rose et beige suggère avec une délicatesse malicieuse l’intimité du sujet. En effet, cette gamme de couleurs fait automatiquement référence aux moments intimes de nos vies. Le grain de peau est l’un des éléments les plus personnels que notre enveloppe corporelle donne à voir, en raison de la proximité qu’il faut avoir avec lui pour l’observer.

Aussi, les choix de cadrage donnent un résultat de pureté minimaliste, proposant un nouveau regard sur la peau, cette matière humaine. S’interroger sur l’homme, créature sociale, par l’observation de son apparence : le pari est réussi, et pour ne rien gâcher, esthétique et harmonie sont au rendez-vous.

Skin offre une véritable allégorie de l’existence humaine à travers le grain de peau. Même si ce camaïeu de beiges et de roses n’est pas représentatif de toutes les couleurs de peau, cette attention donnée à la matière épidermique permet une projection à valeur universelle. L’idée n’était pas de montrer un éventail de teintes, mais de transposer l’humanité, avec ses tourments psychologiques, à travers le grain de peau.

Amanda Kusai explique que le but était de représenter les individus face à leurs questionnements, à travers un épiderme déformé par les mouvements du ruban adhésif. La volonté est d’inviter chacun à songer à sa propre relation avec son enveloppe épidermique, avec son individualité. Elle ajoute que, pour elle, l’acceptation de soi passe par un combat pour rester authentique dans notre peau, un combat qu’il faut accepter de mener sur le long terme.

Les photos ont été prises dans un studio avec une seule source de lumière, afin d’obtenir des tons doux, pour renforcer le caractère délicat de la peau. Une peau pleine de finesse qui, lorsqu’on l’observe de près et que l’on prête attention à son langage, à travers les formes abstraites qu’elle révèle, a beaucoup à nous apprendre.