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Les appareils photo hallucinants de Maxime Genoud faits à partir de déchets

Les appareils photo hallucinants de Maxime Genoud faits à partir de déchets

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Par Antoine Multone

Publié le

À partir de vieux skates, de noix de coco ou de déchets récupérés en montagne, le Lausannois Maxime Genoud revient aux basiques de la photo avec un message contre la surconsommation.

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Lorsqu’il va se promener, Maxime Genoud n’est pas comme tout le monde. Il récupère les déchets laissés sur le chemin, et les transforme en appareils photo. En une année, il en a fabriqué sept. Le premier, fait à base de noix de coco, c’était il y a un an. Et le photographe de 26 ans ne fait pas le travail à moitié :

“J’avais envie de faire un appareil photo qui fonctionne bien. L’extérieur de tous mes appareils vient de déchets, l’un d’eux par exemple est fait avec des coquilles de moules et du pain. Pour l’intérieur, j’ai utilisé plein d’anciennes pièces d’appareils photo. Chaque appareil a un système spécifique pour prendre des images, avec des techniques différentes.”

Une critique de la société de consommation

Maxime nomme ses appareils à partir du matériau avec lequel il les a fabriqués, dans une déclinaison autour du mot “camera” (“appareil photo” en français), soit “skateboardmera”, “teamera”… Il a utilisé pêle-mêle de vieilles planches de skate, des boîtes de thé ou de vieux livres. Il aime la complexité sans qu’elle soit apparente dans le résultat :

“Dans un monde où tout est parfait, j’ai fait le choix de perdre de la qualité volontairement. C’est une impulsion non rationnelle dans un monde basé sur le rendement. Produire des photos dont la qualité ne serait pas la meilleure mais dans lesquelles tu amènes de l’âme. Ce que j’aime, c’est les construire et me dire que j’arrive à créer une image à partir de rien ! Tu ne vois pas ce que tu cadres. C’est l’inverse de la logique de faire comme ça. Ces appareils me rendent fou, parfois.”

Rien d’étonnant, tant la tâche est ardue. Il utilise la technique du sténopé, un dispositif optique très simple permettant d’obtenir un appareil photo à l’aide d’un trou minuscule. Un principe vieux de plus d’un siècle qui est probablement à l’origine de la toute première photo au monde. Pour arriver à réaliser un cliché intéressant, il se sert de flashs pour augmenter la luminosité et doit s’y reprendre à plusieurs fois avant de comprendre comment son appareil réagit. Conséquence ? L’image devient un peu abstraite, vague. Chaque appareil crée son image, avec sa propre patte :

“Les appareils me racontent d’une certaine manière. Tout comme la série d’images. C’est un travail avant tout critique envers le mode de consommation et de production actuel mais aussi, en second plan, une façon autobiographique de me raconter, à travers les appareils ou les images.”

Maxime vient de décrocher un contrat dans une chaîne de librairies suisses, pour laquelle il va photographier avec son appareil en vieux livres des portraits de personnalités helvétiques, qui seront exposés cet automne. Sa vie se partage entre deux mondes, la photo et le roller. Il ambitionne de photographier, avec son Skateboardmera, le skatepark de Sévelin à Lausanne. Un lieu devenu sa seconde maison depuis quinze ans, dans un quartier plutôt associé à la dope, ou aux prostituées.

Teamera

“Cet appareil est le premier de la série, il est construit à la suite d’un souvenir d’enfance. À 11 ans, j’étais allé avec ma mère au musée de la Main à Lausanne, où j’avais participé à un atelier dans lequel on construisait un sténopé à l’aide d’une boîte de thé métallique.”

Bookmera

En soulevant la couverture rouge, on découvre le trou minuscule au travers des pages du vieux livre. C’est l’appareil qu’il utilise quasiment au quotidien ces temps-ci.

Cocomera

“Certains appareils sont plus légers, comme celui-ci qui découle d’une discussion tardive avec les potes du skatepark.”

Picknickmera

“Des déchets trouvés dans la nature : cailloux et pull.”

Cameramera

“Un appareil créé avec la production de deux jours de déchets de papiers dans ma colocation. L’idée, c’est de reproduire le fonctionnement d’un appareil photo à plus grande échelle. Le boîtier correspond à ma chambre, et la seule prise de vue possible, c’est ce qu’on voit par la fenêtre. Je me place donc moi-même ‘dans’ l’appareil. Je devais y rester enfermé 4 heures, le temps nécessaire à l’exposition de l’image. C’est ce qu’on peut appeler broyer du noir.”

Seafoodmera

“Personnellement, je suis végétarien et je trouve hallucinant le nombre de vies sacrifiées et de déchets engendrés pour aboutir à la production de si peu de nourriture. En collaboration avec le CEPV [l’institut où il se forme à la photo, ndlr] et le Festival Images à Vevey, on devait illustrer des recettes pour un livre de cuisine pour le festival. J’ai trouvé assez fou que dans un livre de recettes actuelles, il n’y ait pas plus de recettes sans viande.”

Quant aux photos réalisées grâce à ces appareils, elles racontent un spleen qui habite Maxime depuis quelques années. La première image pourrait s’apparenter à une déception amoureuse, une désillusion. Parfois énigmatiques, floues, elles écrivent différentes étapes de la vie intérieure et des passions du photographe.