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National Geographic fait son mea-culpa et reconnaît avoir publié des reportages racistes

National Geographic fait son mea-culpa et reconnaît avoir publié des reportages racistes

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© National Geographic

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Par Lisa Miquet

Publié le

Dans son dernier numéro spécial, National Geographic a demandé à un historien d’analyser la représentation des personnes de couleur dans les pages du magazine à travers le temps.

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Le magazine National Geographic vient de sortir un numéro spécial qui s’interroge sur le concept de “race”. De par l’Histoire, ce sujet est complexe, difficile à traiter avec justesse, tant il peut susciter de nombreuses maladresses. Le mot n’a pas non plus exactement le même sens d’un pays à un autre. Ainsi pour éviter toute mauvaise interprétation du terme, et préciser ses intentions, le magazine a tenu à définir ce qu’il entendait par “race” et pourquoi il était nécessaire de sortir un numéro se focalisant sur cette thématique :

“Le principe même de races est une hérésie scientifique, et ne résulte d’aucune façon d’une différenciation biologique, comme l’explique Elizabeth Kolbert [une journaliste américaine, ndlr], mais d’une différenciation sociale aux effets dévastateurs.Les distinctions raciales continuent de construire nos opinions politiques et d’influencer notre construction en tant qu’individus‘.”

Souhaitant briser les tabous, le magazine questionne alors ce qui nous définit, mais aussi ce qui nous sépare. Pour cela, Susan Goldberg, rédactrice en chef monde du magazine, a rédigé un édito intitulé “Pendant des décennies, nos reportages étaient racistes. Pour nous en détacher, il nous faut le reconnaître”, dans lequel elle pointe les erreurs qu’a pu faire le titre de presse qu’elle dirige aujourd’hui :

“Il m’est douloureux de partager cet affreux état de fait qui fait pourtant partie de l’histoire du magazine. Mais puisque nous avons aujourd’hui décidé de faire une couverture exceptionnelle du sujet des ‘races, il nous faut faire cet examen de conscience avant de considérer de faire celui des autres.

La manière dont nous présentons les minorités a une importance cruciale. […] Cela signifie que nous avons le devoir, dans chaque article, de présenter de la manière la plus juste et la plus authentique qui soit les différentes personnes que nous mettons en exergue.”

La rédactrice en chef a donc demandé à l’historien John Edwin Mason d’analyser la représentation des personnes de couleur dans les pages du magazine, et le résultat est particulièrement parlant. L’étude montre que jusqu’aux années 1970, le magazine ne considérait absolument pas les personnes de couleur américaines, mais qu’il s’intéressait uniquement à celles hors de ses frontières dans des cadres exotiques. Les seules personnes non-blanches s’y retrouvent souvent représentées dénudées, dans des tribus, renvoyant une image particulièrement cliché.

Montrer ces photos n’est évidemment pas gênant, le problème réside dans le fait qu’il n’y ait pas d’autres représentations de personnes de couleur. Les rares fois où des images de personnes noires occidentales étaient publiées, ces derniers n’avaient pas vraiment un statut à part entière, à part celui d’ouvriers ou de domestiques. Au-delà du choix des images, certaines légendes étaient indubitablement racistes, comme le prouve un reportage en Australie datant de 1916. Sous une photo d’Aborigènes, il était possible de lire : “Deux Noirs sud-australiens : ces sauvages se classent parmi les moins intelligents de tous les êtres humains.”

Consciente du pouvoir et de l’impact que peuvent avoir les médias, Susan Goldberg appuie sur le fait que National Geographic n’a pas aidé à briser ces clichés mais, à l’inverse, a renforcé cette oppression systémique, en traitant les personnes blanches et non-blanches différemment. Elle rappelle toutefois que l’intention de l’époque n’était probablement de nuire, et que le magazine n’était malheureusement qu’un reflet de la société de l’époque :

National Geographic est né au moment où la colonisation était à son apogée, et où le monde était divisé entre colons et colonisés. Une ligne de couleur les séparait, et National Geographic était le reflet de cette vision du monde.”

En admettant publiquement les erreurs qu’a pu faire le magazine, la rédactrice en chef précise qu’elle sera particulièrement vigilante sur ces thématiques à l’avenir.

“Je souhaite que les prochains rédacteurs en chef de National Geographic puissent être fiers de l’histoire de ce magazine – pas seulement pour les reportages que nous aurons décidé de publier mais aussi pour la diversité de journalistes, rédacteurs et photographes qui les portent.”

Une introspection positive et nécessaire, qui fait réfléchir sur le pouvoir de l’image et sur la manière dont la photographie et le journalisme peuvent influencer une société. Il est donc essentiel que tous les photographes en prennent conscience et s’interrogent sur l’image du monde qu’ils créent en partageant leurs images.