Paris Photo 2018 : 3 artistes qui repoussent les limites du médium photographique

Paris Photo 2018 : 3 artistes qui repoussent les limites du médium photographique

photo de profil

Par Lisa Miquet

Publié le

Quand la photographie se fait protéiforme.

À voir aussi sur Konbini

Comme chaque année, Paris Photo rassemble tous les passionnés d’images qui se déplacent pour (re)découvrir des œuvres qui ont jalonné l’histoire de l’art, mais aussi faire connaissance avec des talents émergents. Toutes ces œuvres présentent une grande variété d’écritures photographiques, qui vont de l’art conceptuel jusqu’à la photographie documentaire, en passant par la photo de mode.

Parmi ces images, nous avons été interpellés par des œuvres qui nous interrogent sur la nature même de ce médium. Parfois proche de la sculpture, de la chimie ou de la performance, voici trois artistes qui repoussent les limites de la photographie.

Les cyanotypes de Nancy Wilson-Pajic

Falling Angels N°11 © Nancy Wilson-Pajic avec l’aimable autorisation de Robert Koch Gallery

Nancy Wilson-Pajic est une artiste franco-américaine, dont le travail n’était pas au départ lié à la photo, cette dernière faisant surtout de la performance et des installations. Elle commence sa carrière artistique à New York dans les années 1960 et affiche très rapidement un fort engagement féministe. C’est d’ailleurs l’une des fondatrices de la première galerie coopérative dédiée aux femmes, la A.I.R gallery.

C’est en 1979 qu’elle commence à s’intéresser à la photographie, lorsqu’elle déménage à Paris. Elle expérimente alors de nombreuses techniques, notamment le cyanotype : un procédé monochrome, datant de 1842, qui permet de créer un tirage photographique bleu cyan. Pour cela, il faut enduire une surface d’une émulsion chimique — un tissu ou du papier par exemple — puis de l’exposer à la lumière, les zones exposées deviennent bleues et les zones masquées restent blanches.

Fascinée par ce procédé, Nancy Wilson-Pajic a réalisé une série de cyanotypes qui ont rapidement été exposés au Centre Pompidou. Elle a notamment réalisé des formats à échelle humaine à partir de robes et de vêtements issus de collections de haute couture. Son travail prouve que des photos peuvent être réalisées sans aucun appareil, simplement en mêlant procédés chimiques et performance artistique.

Les collages tridimensionnels d’Ulla Jokisalo

<em>Wonderful Fabulous 2018</em>, extrait de la série <em>Collection of Headless Women</em> © Ulla Jokisalo / Gallery Taik Persons

Quand on rentre dans l’atelier d’Ulla Jokisalo, on ne trouve aucun appareil photo, pas de pellicules, ni même de cartes mémoire. À la place, ce sont des aiguilles, des épingles et des fils que l’artiste, âgée de 63 ans, utilise pour briser différents stéréotypes sociaux, à travers des séries de collages pop et graphiques.

En découpant des images issues de magazines féminins — que sa mère lui apportait durant son enfance —, elle questionne les modèles érigés en standards impossibles à atteindre, mais aussi les injonctions à la féminité. Elle construit des pièces uniques et coud des photos de mode mêlées à des images plus personnelles. À ce titre, Jokisalo considère que le processus de fabrication est tout aussi important que le résultat lui-même. En résultent des collages doux, anachroniques et même sculpturaux.

Les photos fragmentées de Mikhael Subotzky

<em>Michelle Mallies Preparing for Work</em> (0289), Beaufort West, 2008. © Mikhael Subotzky

Mikhael Subotzky est un artiste sud-africain de 37 ans, basé à Johannesburg. Bien que spécialisé dans le documentaire, son travail mêle installations, films, vidéos et travaux photographiques. Ses images ont fait plusieurs fois le tour du monde et l’artiste fait aujourd’hui partie de la prestigieuse agence Magnum.

Pour son livre Beaufort West, Subotzky a photographié l’intérieur mais aussi les alentours d’une prison construite sur un rond-point, en plein milieu d’une petite ville d’Afrique du Sud. Loin d’avoir opté pour un encadrement traditionnel, l’artiste a décidé de se passer du verre de protection des images, ce qui enrichit visuellement l’œuvre.

La photo dialogue alors avec son support, et ce dialogue confère à l’ensemble un sens supplémentaire. Une image fragmentée apparaît et ce qui devait simplement servir de protection fait, finalement, partie intégrante de l’œuvre. Une manière intelligente de mêler contrainte et créativité.

Paris Photo est visible au Grand Palais du 8 au 11 novembre 2018 inclus.