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Rencontre : entre cascades et drifts, plongée dans les “puits de la mort” indiens

Rencontre : entre cascades et drifts, plongée dans les “puits de la mort” indiens

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© Gemma Fletcher & Ken Hermann

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Par Sirine Azouaoui

Publié le

Les photographes Gemma Fletcher et Ken Hermann ont suivi les pilotes qui font crisser leurs pneus.

Dans les années 1910 et 1920, les Américains accouraient dans les motordromes pour contempler des courses en deux-roues, sur des pistes en bois. Ce spectacle, délaissé dès les années 1930, reste très populaire en Grande-Bretagne et finit par trouver son chemin en Inde.

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Aujourd’hui, des hommes et des femmes bravent toujours les lois de la gravité en roulant à 60 kilomètres par heure, en voiture ou en moto, sur des planches de bois à la verticale. Ces pilotes de l’extrême s’assoient sur les fenêtres, s’accrochent à plusieurs, ou sautent pour impressionner la foule qui assiste à cette tradition foraine pour 40 rupees (50 centimes d’euros).

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

Le photographe Ken Hermann et la directrice artistique Gemma Fletcher ont collaboré pour une série de clichés fascinante au cœur de ce “puits de la mort”. Rencontre avec Gemma Fletcher.

Cheese Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous plonger dans l’univers de ces cascadeurs ?

Gemma Fletcher Nous avions trouvé une vieille image d’archive du puits deux ans auparavant, c’était complètement captivant et nous savions tout de suite que nous voulions en faire un projet. Le puits de la mort est une tradition indienne itinérante, c’est un divertissement rudimentaire et électrisant où les voitures et les motos rugissent autour de murs verticaux en bois de 18 mètres. Des femmes et des hommes ordinaires risquent leur vie pour faire frissonner les foules.

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

Est-ce qu’il a été très difficile de pénétrer et de capturer ce monde particulier ?

Le plus dur était d’avoir accès à eux. C’est une communauté assez fermée. Nous avions plusieurs guides qui nous aidaient sur place. Le puits que nous devions photographier n’a été confirmé qu’une semaine avant. Une fois là-bas, l’équipe était très fière de cette attention et de faire partie du projet.

Ayant déjà travaillé ensemble, Ken et moi étions habitués à travailler vite et dur dans des environnements sous haute pression. Beaucoup des clichés exigeaient que l’on soit debout, au milieu du puits, pendant que les conducteurs conduisaient. On a dû s’y habituer car c’était une complète surcharge sensorielle.

La foire est assourdissante, avec des centaines de systèmes audio dans un espace à peine plus grand qu’un terrain de foot. Avec le crissement des moteurs, le mélange d’odeurs d’essence et de barbe à papa dans l’air, c’était souvent difficile de penser clairement. Malgré les challenges, c’était une expérience incroyable.

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

Quel est le rapport des Indiens avec cette tradition ?

Il y a moins de 40 puits en Inde, et les conducteurs voyagent pendant 11 mois dans l’année, font le tour des carnavals et des foires à travers le pays. Le puits est vénéré par les habitants, ça attire d’énormes foules le jour comme la nuit.

C’est un événement qui fait venir des personnes de tous âges et les conducteurs sont vus comme de vrais héros. Les pilotes se nourrissent de la foule et leurs cascades deviennent de plus en plus folles à mesure que les spectateurs les acclament. La foule est bouche bée et attire les conducteurs en haut des murs avec des rupees, pour qu’ils roulent sur les bords.

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

Une seule femme apparaît souvent dans votre série, qui est-elle ?

Nous nous sommes en effet concentrés sur Radha, une des très rares femmes pilotes. Elle a commencé à 13 ans. Fascinée par les cascades qu’elle a vues dans sa foire locale de Delhi, elle décide de devenir une casse-cou. Gagner l’accès à un sport macho dans une société patriarcale a été un challenge, mais elle est restée déterminée et elle est aujourd’hui une des femmes pilotes les plus connues du pays.

Comment vivent ces cascadeurs ?

Ce sont des casse-cous et ils vivent pour le frisson de la performance. Les précautions de sécurité ne sont pas vraiment respectées et c’est un très gros risque pour eux. Du coup, certains États commencent à l’interdire et il est très probable que cette pratique décline puis meure dans les 10 prochaines années. Nous avons collaboré avec un puits à Solapur, à 8 heures de Bombay.

C’était une petite ville, loin des sentiers touristiques. Le lieu parfait pour s’immerger dans cette culture. Nous avons travaillé avec 8 conducteurs. Les conducteurs et l’équipe fonctionnent comme une famille. Ils vivent et travaillent dans les mêmes endroits, dorment dans des tentes sur le terrain autour du puits. Ils ont des relations très proches et très solidaires, chacun veille l’un sur l’autre. C’est une super atmosphère.

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)

“Well of Death”. (© Gemma Fletcher & Ken Hermann)