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Sur la route, en 1955, Robert Frank a tiré le portrait de l’Amérique

Sur la route, en 1955, Robert Frank a tiré le portrait de l’Amérique

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Une série hommage à la Beat Generation.

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Parade, Hoboken, New Jersey, 1955. (© Robert Frank)

Dans les années 1980, Robert Adams immortalisait le visage de l’Amérique à son insu, grâce à un sac de provisions dans lequel était dissimulé son appareil photo. Une vingtaine d’années plus tôt, Robert Frank faisait la même chose, mais appareil découvert, en sillonnant les États-Unis. Outre leurs mêmes prénom et nationalité, les deux avaient également la même ambition : peindre une fresque juste de l’Amérique contemporaine. Et aujourd’hui, ces deux séries, Our Lives and Our Children et The Americans, sont de précieux documents de cette époque.

Cette année, Robert Frank est mis à l’honneur à travers deux expos, l’une à Arles jusqu’au 30 novembre et l’autre dans le cadre de Paris Photo jusqu’au 11 novembre. Le photographe sort également un beau livre, aux éditions Delpire, et ce n’est pas un hasard si la préface est signée Jack Kerouac – pionnier de la Beat Generation et auteur du roman autobiographique Sur la route, considéré comme le manifeste de ce mouvement littéraire –, car le livre est nourri de cette même ivresse.

On the road

C’est en 1955 que Robert Frank, originaire de Zürich, se met à parcourir de long en large les États-Unis, où il habite depuis huit ans. De la Caroline du Sud à New York, il immortalise et nous fait revivre des instants de vie d’Américains à travers les 84 images incluses dans cet ouvrage. Le véritable visage, pour lui, de l’Amérique des années 1950 s’y trouve : ouvriers, serveuses, cireurs de chaussures, amoureux, motards, jeunes libres et déchaînés, aristocrates dans des galas ou classes moyennes dans les bus, et bien sûr, des routes, personnages principaux de cette série.

Ascenseur, Miami Beach, 1955. (© Robert Frank)

Son travail attire l’attention de l’éditeur français Robert Delpire en 1958 qui, trois années seulement après le voyage du photographe, publie une première édition des Américains. “Jugé triste, pervers, voire subversif à l’époque”, le livre passe inaperçu. Soixante ans plus tard, Delpire publie une belle réédition, revue et corrigée par le photographe lui-même, de cet ouvrage devenu depuis un classique des livres photographiques. Cette nouvelle édition se rapproche de l’originale américaine, aussi bien en termes d’impression qu’au niveau de sa direction artistique.

“Il ne s’agit pas d’un reportage mais d’un ensemble de notes prises sur le vif : Robert Frank fait naître une nouvelle iconographie où des visages anonymes s’amalgament au bord de routes tristes, dans les excroissances urbaines ou les vides d’un territoire démesuré”, explique l’éditeur français à propos du projet de Frank.

Loin de lui, donc, l’envie de documenter le territoire américain de manière froide et consensuelle. Le pari est réussi, ses mises au point floues ainsi que ses compositions “décentrées” rendent compte de la spontanéité de ses prises de vues. Et ses images affichent un grain unique et chaleureux, avec un noir travaillé et profond. Une belle idée de cadeau à garder en tête à l’approche de Noël.

Enterrement, St. Helena, Caroline du sud, 1955. (© Robert Frank)

Beaufort, Caroline du sud, 1955. (© Robert Frank)

Bal de charité, New York City, 1954. (© Robert Frank)

Couverture du livre “Les Américains”, de Robert Frank, sorti aux éditions Delpire.

Sa série Les Américains fait l’objet d’un beau livre aux éditions Delpire (180 pages présentant 84 photos) dont la préface est signée Jack Kerouac, et elle est aussi exposée jusqu’au 11 novembre 2018 à Paris Photo. Robert Frank est également à Arles, dans le cadre des Rencontres, pour son exposition “Sidelines” (produite par la Fotostiftung Schweiz), visible jusqu’au 30 novembre 2018.