L’histoire derrière la pochette de Jok’Air qui détourne une photo culte de Jacques Chirac

L’histoire derrière la pochette de Jok’Air qui détourne une photo culte de Jacques Chirac

Image :

© Fifou

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

Fifou, l'auteur de la photo, nous raconte les coulisses de la pochette du dernier album de Jok'Air, "Jok'Chirac".

Pour réaliser la couverture de son dernier album, Jok’Air a fait appel à “l’homme aux 600 pochettes”, Fifou. Photographe prisé des rappeurs, il est à l’origine des visuels de certains des plus grands artistes de ces dernières années. Booba, Soprano, Youssoupha, Rim’K, Kery James, la Mafia K’1 Fry, SCH, Jul, Aya Nakamura, Mac Tyer, Ninho, Sadek, Dinos, Gims ou encore 13Block, ils sont des centaines à avoir posé pour Fabrice Fournier, alias Fifou. Ensemble, Jok’Air et le photographe ont réalisé une image forte, pleine d’histoire mais aussi d’espoir.

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Après “Jok’Rambo”, en 2018, et “Jok’Travolta”, en 2019, l’ancien membre de la MZ a endossé le costume d’un nouveau personnage du nom de “Jok’Chirac”. La pochette de l’album – dont la sortie est prévue pour le 20 mars 2020 – est un clin d’œil direct à une image bien connue de l’ancien président français, sautant au-dessus d’un tourniquet dans le métro, le 9 décembre 1980.

© Fifou

Au téléphone, Fifou nous raconte que Jok’Air mijotait cette idée depuis déjà un moment : “Jok’Air, c’est quelqu’un qui fait les choses à fond, quand il travaille sur un projet, il travaille sur un personnage, sur un concept.” Pour recréer la photo de Jacques Chirac, prise par Jean-Claude Delmas il y a quarante ans, Fifou s’est concentré sur son aspect spontané :

“Quand j’ai vu Jok’Air arriver avec son costard rose, je me suis dit : ‘Je vais le shooter comme une rock star.’ Je voulais une photo à l’arrache, qui fasse très paparazzade. Ça s’est fait sans autorisation, en cinq minutes, on a dû refaire la scène seulement cinq ou six fois, c’était vraiment rapide.

Je crois qu’on a pris plus de temps à faire du repérage pour trouver un tourniquet sans portique qu’à prendre la photo. C’est la pochette la plus rapide que j’ai faite. J’ai fait deux clics et on l’avait.”

Une réappropriation par l’image

La seule différence notable avec la photo prise par Jean-Jacques Delmas en 1980 est le fait que l’image de Jok’Air ne soit pas totalement en noir et blanc. Sa silhouette est en couleur afin que son costume rose ressorte et que la cover conserve les codes d’un “univers trapisant”, précise le photographe. Côté technique, Fifou avoue ne pas avoir “poussé le vice jusqu’à shooter à l’argentique”, cela pour une raison bien précise :

“J’étais tout seul avec mon appareil, avec un flash cobra, pour avoir ce côté ombre portée, limite dégueulasse. Si on avait poussé la mise en scène en faisant un truc trop léché, on aurait perdu le côté punk.”

Les années passant, l’image de Jacques Chirac a effectivement été récupérée comme porteuse d’une certaine idée de la “transgression à la française”. Une légende bien éloignée de la réalité puisque, selon le photographe à l’origine du cliché, celui qui était alors maire de Paris n’était tout simplement pas du tout habitué à prendre le métro. Il n’aurait pas récupéré son ticket, ce qui, à l’époque, ne débloquait pas le tourniquet. Bien démuni, il a préféré sauter par-dessus le tourniquet.

© Jean-Claude Delmas

Fifou révèle qu’une série de photos issue de la collaboration avec le rappeur ne devrait pas tarder à sortir : “C’est une série photo d’un Chirac 2.0 avec des codes hip-hop. Je trouve ça fort de se réapproprier le patrimoine français avec Jok’Air. C’est la première fois que je shoote un rappeur avec les couleurs bleu, blanc, rouge. C’est un hommage sans partir dans les codes des ultras.”

En répliquant l’image de l’ancien président, le rappeur affirme un tournant. Si c’est lui qui représente désormais “l’insolence à la française”, il n’oublie pas de déclarer dans sa chanson “Jok’Chirac” qu’il faut qu’il “braque le quai Branly” (le musée porté par Jacques Chirac, dont la collection est majoritairement constituée d’œuvres pillées pendant les colonisations) et qu’il est “le bruit et l’odeur”. Bref, c’est lui, le futur.