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Une artiste recouvre de sang menstruel une photo de Bettina Rheims au quai Branly

Une artiste recouvre de sang menstruel une photo de Bettina Rheims au quai Branly

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Dimanche dernier, l’artiste performeuse Deborah De Robertis a marqué au sang une photo de Bettina Rheims, issue de sa série sur les Femen récemment exposée au quai Branly.

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Le 3 juin marquait la fin de l’exposition “Vous êtes finies, douces figures” de Bettina Rheims, dans laquelle elle présentait entre autres ses portraits de Femen à travers le monde. Pour finir en beauté ce dernier jour d’exposition, l’artiste luxembourgeoise Deborah De Robertis a voulu s’adresser à la photographe dont elle trouve les images “consensuelles” dans le cadre d’une performance pour le moins sanglante, et sobrement intitulée BLOODWAR.

Elle s’est donc rendue au quai Branly, en ce dernier jour d’exposition, avec un pot rempli de sang menstruel pour recouvrir une des photos de Femen de deux traînées de sang. Deborah de Robertis s’est habillée comme le modèle féminin (l’activiste Femen Sarah Constantin) figurant sur la photo, c’est-à-dire avec une culotte noire et une couronne noire. Elle a ajouté à cela une perruque rousse et a marqué en rouge sur son ventre et ses seins “Ma chatte, mon C” pour parfaire l’imitation.

Cette artiste est connue pour réinterpréter les plus grandes œuvres d’art à sa manière : on pense notamment à sa performance au musée d’Orsay, en 2014, devant le tableau de Courbet, L’Origine du monde, au cours de laquelle elle écartait les jambes pour montrer son sexe à l’image de la peinture. “Montrer son corps nu est une réflexion qui peut avoir une portée politique. Mais ce n’est pas tant le corps qui est politique, que la réflexion qu’il entraîne”, explique-t-elle dans Les Inrocks.

Lettre ouverte à Bettina Rheims

Dans une vidéo qu’elle a postée, il y a deux jours, Deborah De Robertis montre sa performance. Dans la description de la vidéo, elle a également écrit une lettre adressée à la photographe qui n’a pour le moment pas encore réagi. Dans cette lettre, elle fait appel à la bienveillance de Bettina Rheims pour comprendre son “geste” et le considérer comme artistique (et non pas comme un acte de vandalisme gratuit) :

“Je me propose de rétablir le caractère politique des images que vous avez désincarnées et donc dépolitisées au profit d’images consensuelles. J’entends restituer ce caractère sauvage et indomptable qui vous est cher. Depuis toujours, vous regardez les femmes, d’après ce que je sais vous les aimez rebelles.

Cette rébellion, qui fait leur force, est ce sur quoi reposent, à mon sens, l’émancipation des femmes et leur liberté. Vous affirmez accompagner nos luttes, je vous demande pour cette fois de faire plus que nous accompagner. Et parce qu’il me paraît que l’art doit être critiqué, je vous invite à faire de même et à prendre position en face-à-face. […]

Mon geste est une affirmation de vie, car mon souhait est d’alimenter cette exposition de mon énergie et de celle qui irrigue le mouvement féministe. En effet, l’art ne devrait pas simplement se dire politique et se complaire dans l’esthétisme, mais éveiller les consciences.

Nous sommes deux femmes dont les points de vue diffèrent, cependant je vous demande d’accueillir mon geste comme un geste artistique car vos modèles Détenues auraient pu, elles-mêmes, le réaliser.”

Au nom de l’art politique, elle déplore donc le traitement artistique et glamourisant des Femen par la photographe, et veut rétablir une démarche politique et rebelle par un acte de violence sanglant. On peut considérer son geste un poil extrême pour exprimer son mécontentement vis-à-vis du travail effectué par Bettina Rheims sur cette série.