AccueilPop culture

Rencontre : Geoffrey Montagu plonge ses modèles dans des baignoires de lait

Rencontre : Geoffrey Montagu plonge ses modèles dans des baignoires de lait

avatar

Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe Geoffrey Montagu place le corps au centre de séries atypiques et esthétiques.

Depuis huit ans, Geoffrey Montagu poursuit sa passion pour la photographie, qui lui permet de mettre en images son regard sur le monde. Pendant ses études consacrées au cinéma et aux arts plastiques, Geoffrey a continué de photographier son quotidien, ses amis et leurs aventures communes, publiant le tout sur son blog. Au fil du temps, son rapport à la photo s’aiguise et, depuis, ce sont des séries photo mûrement réfléchies qu’il propose sur son site.

À voir aussi sur Konbini

Black Milk fait partie de ces projets. En deux parties (une troisième est en cours), Black Milk met en scène des modèles littéralement plongés dans des baignoires remplies, dans un premier temps, de lait et, dans un deuxième temps, d’un liquide noir. Ainsi est créée une dichotomie entre les deux séries, qui s’inscrivent tout de même dans une unité commune.

Le photographe nous confie que c’est l’idée de travailler et de fabriquer une image qui vienne traduire sa manière de voir le monde qui lui a plu à ses débuts. Nous l’avons rencontré afin qu’il nous parle de ses inspirations, de son rapport au corps et à la nudité et de cette série photo originale.

Cheese : Pourrais-tu me parler de tes inspirations et de la façon dont tu penses tes séries ?

Geoffrey Montagu : Mes inspirations sont extrêmement larges. En fait, il y a souvent des petites choses qui attirent mon œil et que je mets de côté pour plus tard. Ce qui construit mes séries, c’est davantage l’envie de répondre à une problématique précise, ou de créer un sentiment, avec mes mots. Puisque je travaille beaucoup autour du corps en ce moment, la plupart de mes séries commencent seulement par quelques mots : “intimité”, “complexes” et “sexualité” par exemple. Ensuite, je les lie en essayant de créer du sens.

Peux-tu me raconter comment t’es venue l’idée de plonger ainsi tes modèles dans du lait ?

De manière générale, j’aime faire des choses classiques, mais avec un twist, qui soient différentes de ce que j’ai l’habitude de voir. Je me suis dit que je pouvais passer par ce type de photos (où les modèles sont bel et bien dans du lait) et me les approprier afin d’arriver à un résultat différent de ce qui se fait. J’ai ensuite voulu pousser le vice en faisant l’opposé : une eau noire avec beaucoup de mouvement. La première est lisse et froide, et la seconde bien plus dynamique et narrative.

Le résultat est assez surprenant, les photos ont à la fois une aura très pure et innocente et dégagent beaucoup de sensualité, voire de sexualité et parfois même quelque chose d’angoissant. Était-ce quelque chose que tu visais ?

Oui, complètement, sauf concernant la sexualité. J’essaie au maximum de désexualiser les corps. J’ai très peur de me montrer vulgaire ou qu’on interprète mal mes intentions. Faire des nus sans érotisme est important pour moi, et je pense que parfois cela participe à rendre les photos plus ou moins angoissantes.

Pour moi, il est surtout question de pureté, de grâce. La première partie est dans une eau si calme… parfois je me dis que ça aurait pu faire de chouettes bas-reliefs ! La deuxième partie est bien plus puissante, oppressante, j’ai parfois l’impression qu’elle se noie à répétition.

Tes dernières séries sont souvent concentrées sur le corps et la nudité, pourquoi cet intérêt ? Est-ce l’aspect esthétique qui t’intéresse ou les messages que tu peux faire passer grâce à la nudité ?

Il y a sans aucun doute un goût esthétique, la nudité donnant souvent un ton particulier à la photo. Mais je crois que je fais aussi cela pour mieux comprendre et aimer mon corps, ainsi que celui des autres. Révéler leurs richesses et les failles de leurs propriétaires. C’est réellement thérapeutique pour certaines personnes et sincèrement, peu importe le résultat final, ça fait quelque chose de savoir que quelqu’un aime davantage son corps et vit un peu mieux grâce à toi.

As-tu connu des difficultés pendant tes séances photo avec tout ce liquide, des résultats que tu n’imaginais pas peut-être, sur la façon d’immortaliser les textures et les couleurs par exemple ?

Oh oui ! Comme souvent dans mes photos, l’envers du décor fait un peu “bricolage”. Par exemple, la modèle de la première partie avait des bouchons en papier toilette dans les narines pour certaines photos… Heureusement, j’ai pensé au masque et au tuba pour la seconde ! C’était parfois compliqué de diriger les modèles alors qu’elles avaient la tête sous l’eau et ne pouvaient m’entendre.

Pour l’eau noire de la deuxième partie, j’ai utilisé une peinture pour le corps diluée avec de l’eau. Le problème, c’est qu’elle était parfois mal mélangée, et des amas de peinture se formaient au fond de la baignoire. Lorsque la modèle s’asseyait dessus, elle se retrouvait mouchetée comme un dalmatien ! Il faut aussi prévoir assez de lait, car le bain refroidit très vite, on doit donc le réapprovisionner régulièrement en lait chauffé. En général, on rigole bien !

Les deux séries fonctionnent-elles forcément en couple, racontent-elles une histoire ensemble ? Black Milk a-t-elle été pensée en même temps que la première série ou a posteriori ?

Pas vraiment. Je les vois plutôt comme certaines séries TV différentes d’un épisode à l’autre (comme les merveilleux Contes de la Crypte). Elles partagent des points communs et s’inscrivent dans le même mouvement, sans pour autant être directement liées. La deuxième partie a été pensée à posteriori : j’ai eu envie de continuer dans cette optique. Je travaille en ce moment sur la troisième et dernière partie…