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3 œuvres à ne pas rater au festival d’art contemporain Un été au Havre

3 œuvres à ne pas rater au festival d’art contemporain Un été au Havre

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Jusqu’au 23 septembre, la ville du Havre fait la part belle à l’art à travers des parcours d’expositions et des performances très variées.

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Depuis deux ans, quand on se balade en pleine période estivale dans la ville du Havre, on peut tomber sur des œuvres d’art contemporain, des installations et des sculptures qui semblent pousser à chaque coin de rue. Ce n’est pas un hasard, puisque si l’art investit cette ville, c’est grâce au festival Un été au Havre qui signe, cette année, sa deuxième édition.

Au programme de cette année : 18 expositions, 6 nouvelles installations, 18 artistes à découvrir dans 32 lieux, pendant trois mois. Certaines des œuvres exposées cette année ont d’ailleurs été conservées de l’édition précédente, à la demande des habitants − à grand renfort de pétitions − qui apprécient de voir leur ville se transformer et s’embellir. Derrière l’initiative de ce festival, il y a avant tout un grand désir de faire (re)découvrir Le Havre, ville hautement sous-estimée, et de la montrer sous un autre jour à travers le prisme de l’art.

Un programme éclectique

Si vous vous baladez dans les Jardins suspendus, vous pourrez voir l’installation interactive du studio Chevalvert, Le Temps suspendu, dans une ancienne poudrière, qui rassemble un bon nombre − qui semble infini − de portraits d’habitants et de visiteurs du Havre pris l’été dernier. Comme un trombinoscope géant mis dans une sorte de capsule hors du temps, vous pouvez faire défiler sur un écran tactile ces photos d’identité, et peut-être pourrez-vous tomber sur des visages que vous connaissez…

Si vous poursuivez notre visite vers l’Hôtel de ville, vous pourrez vous immerger dans l’installation sonore et sensorielle, intitulée Les Passagers du son, de Charlotte Roux, d’Antoine Auger et d’Anne Kropotkine. Dans le bassin du commerce, l’artiste Stéphane Thidet présente Impact : deux jets d’eau entrent en collision dans les airs, au gré des marées et du vent, par intermittence.

Arrivé·e sur la plage, vous trouverez Les Anneaux, une œuvre circulaire et sur roulettes du plasticien allemand Veit Stratmann, sur laquelle les passants peuvent s’asseoir. Il y a aussi les cabanes de plage qui ont été peintes par le graphiste hollandais Karel Martens en suivant un algorithme qui a défini dix couleurs et six largeurs différentes, de quoi égayer la plage durant tout l’été.

Face à la mer, au MuMa, une exposition “Né(e)s de l’écume et des rêves” réunit jusqu’au 9 septembre 180 œuvres et une centaine d’artistes de tout temps et de tous pays − de Brassaï à Man Ray en passant par Gustave Moreau − qui explorent les mystères et les mythes autour de la mer, jusqu’aux problèmes environnementaux soulevés aujourd’hui.

Coup de cœur pour trois artistes exposés

Futuro House, de Craig Barnes

À l’ère de la conquête spatiale, en 1968, l’architecte finlandais Matti Suuronen a imaginé la Futuro House : une sorte de “soucoupe volante-chalet” facile à monter, très design et vintage. Cette habitation devait initialement servir de refuge à des randonneurs en montagne. Devenu iconique aujourd’hui, cet ovni de 50 mètres carrés, composé de plastique et de fibre de verre, peut se monter à la main en 48 heures chrono.

Suuronen en a ainsi construit une centaine, des années 1960 à 1970. En 2013, en Afrique du Sud, l’artiste britannique Craig Barnes, tombe sur un des modèles de Matti Suuronen. L’image de la Futuro House le hante et il décide de la ramener en Angleterre, de la restaurer et d’en recréer plusieurs dans la foulée.

Une de ses répliques est exposée dans les Jardins suspendus du Havre, dans le cadre du festival. Sur une musique atmosphérique de Vincent Epplay, qui a eu recours à de véritables enregistrements spatiaux de Iouri Gagarine et de lancement de fusées, le visiteur est invité à entrer dans la capsule et à se plonger dans une courte relaxation. Immersif à souhait.

Catène de containers, de Vincent Ganivet

Réalisée pour la première édition du festival, l’installation monumentale de Vincent Ganivet a été conservée pour cette deuxième mouture. Au croisement de la rue de Paris et du quai de Southampton, s’élèvent deux arches impressionnantes faites de containers multicolores qui dénotent dans l’horizon industriel du port.

C’est grâce à la “technique de la chaînette” empruntée à l’architecte catalan Antoni Gaudí que Vincent Ganivet est parvenu à bâtir ces arches, ces courbes et ces coupoles. Son idée était d’évoquer des squelettes de cathédrales romanes, et de faire, à partir de ces “mastodontes rectilignes”, une œuvre légère et gracieuse. Pari réussi.

À l’origine et Jusqu’au bout du monde, de Fabien Mérelle

L’illustrateur et plasticien français Fabien Mérelle signe trois manifestations artistiques au sein d’Un été au Havre : deux installations qui se font écho, appelées À l’origine et Jusqu’au bout du monde, ainsi qu’une exposition de ses dessins. Les deux sculptures de six mètres de haut ont été réalisées à partir d’illustrations réalistes de l’artiste, elles-mêmes exposées à la bibliothèque Oscar Niemeyer jusqu’au 2 septembre prochain.

À l’origine découle d’un dessin que l’artiste a réalisé en 2010, “au moment où il s’est trouvé confronté au poids des traditions” : de confession catholique, il souhaitait épouser sa fiancée juive. Une union rendue impossible par leurs deux familles et leurs religions respectives… Le dessin le représentait en train de porter un éléphant sur son dos.

“L’éléphant représentait ce fardeau que je portais alors sur mes épaules. Ce dessin devait devenir une sculpture : c’était pour moi une évidence. Cet homme est comme tous les autres ployant à un moment donné de sa vie sous le poids de situations qui paraissent insurmontables. Réaliser cette sculpture c’était trouver le moyen de mettre à mal l’impossible. Ce qui me plaît en elle, c’est ce que chacun s’invente en la regardant”, déclare Mérelle.

Passant de dessin à sculpture de résine, son œuvre a été exposée pour la première fois à Hong Kong, et a fini par débarquer sur le port du Havre par la mer, face à la ville, dans le cadre de ce festival. En réponse à cette sculpture et à la découverte d’une plage havraise appelée “Le Bout du monde”, Fabien Mérelle crée une seconde sculpture, se représentant − de nouveau − lui-même, en train de porter cette fois-ci sa fille. Cette installation, logiquement nommée Jusqu’au bout du monde, prend place sur cette même plage qui l’a largement inspiré.

En effet, ce petit-fils d’immigré ne peut concevoir “un bout de monde”, un monde borné, avec une fin et un bord. Quand il a découvert la plage, il a tout de suite été impressionné par la falaise brute qui s’élève au-dessus d’une mer sauvage et rocheuse qui façonne naturellement le paysage.

Tournés vers New York, les regards de l’homme et de sa fille se perdent au large, vers l’avenir et un monde sans frontières.

“Au milieu de ce tourment où l’espace et le temps sont abolis, il m’est apparu évident de ramener un peu de chaleur, d’humanité. Je voulais un homme, un père de famille préservant ce qu’il a de plus cher, à savoir son enfant, dans ce chaos environnant. Je voulais un totem, un point d’exclamation disant la chaleur de nos sentiments”, explique-t-il.

Cette seconde sculpture montre l’aboutissement de la première : l’accomplissement de son amour impossible avec sa fiancée juive, en la personne de la petite fille −un poids plume remplaçant l’éléphant − qu’ils ont finalement eu ensemble, malgré les différences de cultures. Les deux sculptures sont peintes en blanc pour apporter une certaine pureté au décor dans un souci d’harmonie avec le paysage, et afin de laisser le visiteur projeter ses propres couleurs.

Un été au Havre, festival d’art contemporain à voir jusqu’au 23 septembre 2018.